Politique
Il y a aujourd’hui un grand oublié dans ce théâtre politique, un grand perdant, un grand sacrifié : la jeunesse française, condamnée à cotiser toujours plus pour gagner moins, afin d’entretenir le plus longtemps possible un État-providence déjà en mort cérébrale
L'Opinion - 23 octobre 2025 - Par David Lisnard
En sacrifiant la réforme des retraites, en multipliant les annonces de fiscalités supplémentaires qui pénalisent le risque et la réussite, en ne s’attaquant pas aux causes du déclassement français, un conglomérat de gouvernants veules a préféré ses avantages immédiats aux intérêts du pays, sacrifiant toujours plus l’avenir collectif et des futures générations.
Tout cela sous couvert de posture « en responsabilité », d’incantation à « la stabilité », de novlangue aussi moralisatrice qu’est indigne le spectacle politique de ces dernières semaines. L’honneur de la chose publique, l’état des comptes de la nation et l’image de la France ne sont pas les seules victimes de ces lâchetés, mensonges, renoncements et reniements.
Mort cérébrale. Il y a aujourd’hui en effet un grand oublié dans ce théâtre politique, un grand perdant, un grand sacrifié : la jeunesse française, condamnée à cotiser toujours plus pour gagner moins, afin d’entretenir le plus longtemps possible un Etat providence déjà en mort cérébrale et plus que jamais parasité ainsi que le train de vie des générations issues de l’après-guerre.
Cette réalité n’est pas sans conséquences collectives destructrices à court, moyen et long terme, par l’émigration des jeunes talents qu’elle génère. Avec eux, c’est tout ce qu’ils ne pourront plus apporter à notre pays qui s’en va : inventivité, travail, création entrepreneuriale – donc flux de richesse et d’emplois – optimisme, dynamique, espérance.
La littérature économique et sociale est abondante pour démontrer les effets négatifs de la fuite des cerveaux et plus largement l’émigration des talents. Parce que le capital humain est un facteur déterminant de la productivité
Des modèles néo-classiques inspirés de Grubel et Scott ou Bhagwati et Hamada aux travaux plus récents de North ou Acemoglu et Robinson, la littérature économique et sociale est abondante pour démontrer les effets négatifs de la fuite des cerveaux et plus largement l’émigration des talents. Parce que le capital humain est un facteur déterminant de la productivité.
Les dernières données concernant la France viennent d’être analysées et publiées par la Fédération Syntec et Ipsos, sous le titre explicite de L’expatriation et la fuite des cerveaux – septembre 2025, « mesure de l’ampleur de la détalentisation ». Les résultats sont parlants. Sur ce que la Fédération et Ipsos nomment talents, presque 60 % envisagent désormais de s’expatrier.
Expatriés. Et le phénomène s’amplifie. Il a commencé ces dernières années, avec 23 % d’augmentation sur la décennie du nombre d’expatriés qui sont titulaires d’un diplôme d’ingénieur. La tendance est proportionnelle au niveau de formation et de sélection en école. Avant même la chute, évidente, du gouvernement Bayrou et les péripéties pathétiques qui ont accompagné la formation des deux gouvernements Lecornu, l’inquiétude de ces « talents » était déjà en forte hausse, avec 70 % qui estiment notre pays en déclin, les trois quarts qui se disent inquiets de la situation économique et 80 % de la situation politique.
Les constats du déclassement de notre nation ne sont pas la seule motivation de départ. Elle est aussi guidée en premier lieu par la « lourde fiscalité », suivie de la « faiblesse des rémunérations » et de la « rigidité du marché du travail ».La formation des 145 000 jeunes qui désormais quittent chaque année la France à l’issue de leurs études a coûté à la nation 1 milliard d’euros. Or, cette perte n’est rien en proportion des richesses qu’ils ne produiront pas sur le territoire national. Comment ne pas comprendre cette jeunesse entreprenante, écœurée face aux lâchetés et inepties politiques présentes ?
Pendant ce temps-là, le théâtre d’ombres politicien continue, les mesures d’augmentation de la fiscalité sur l’investissement et les résultats fleurissent, l’Etat n’est pas réformé, les frontières restent ouvertes à « toute la misère du monde », les voix sordides du ressentiment continuent de prospérer
Car pendant ce temps-là, le théâtre d’ombres politicien continue, les mesures d’augmentation de la fiscalité sur l’investissement et les résultats fleurissent (dont à l’article 3 du projet de loi de Finances 2026 le projet – destructeur – d’instauration d’une taxe sur le patrimoine financier des holdings patrimoniales), l’Etat n’est pas réformé, les frontières restent ouvertes à « toute la misère du monde », les voix sordides du ressentiment continuent de prospérer et de trouver une traduction politique, qui désormais n’est plus cantonnée à l’extrême gauche et irradie les partis dits de gouvernement comme ceux de l’autre côté de l’échiquier qui prétendent le devenir.
L’étape suivante sera l’effondrement avant, souhaitons-le, le sursaut. Le tout est d’éviter entre les deux l’embrasement et la violence. Ainsi va la France.
David Lisnard est président de Nouvelle Energie, maire de Cannes.
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