Héritière. Marion Maréchal lors de la messe dédiée à Jean-Marie Le Pen, au Val-de-Grâce, le 16 janvier.

Politique

Rebond. La protégée de Giorgia Meloni investit le Parlement européen et vise Paris en 2026.

Le Point - 6 février 2025 - Par Charles Sapin

Sous la coupole de Notre-Dame du Val-de-Grâce, à Paris, se pressent les compagnons de route de toutes les époques et de toutes les obédiences de Jean-Marie Le Pen. Tous sont venus malgré un froid polaire rendre un dernier hommage au fondateur du Front national, mort quelques jours plus tôt. Alors que la foule déborde du parvis, jusque de l’autre côté de la rue Saint-Dominique, les prises de parole, retransmises sur écran géant, se succèdent. 

À l’hommage militaire rendu par l’aumônier de la Légion étrangère suit l’hommage familial prononcé par l’aînée des filles Le Pen, Marie-Caroline. L’ancienne vice-présidente du FN, Marie-Christine Arnautu, s’exprime au nom des amis, Louis Aliot, au nom des militants… Mais, parmi toutes les prises de parole, une détonne, celle de la petite-fille du défunt, Marion Maréchal, qui, d’une voix hardie, rend l’hommage le plus politique : « Dans cette vie qui s’écoule comme le sable entre les doigts des enfants, tu ne trouvais de sens et de valeur qu’en une seule chose : le combat […] Une vie sans combat était pour toi une vie de mort-vivant, de tiède, d’indifférent. Et tu haïssais les indifférents ! »

Côte à côte dans l’église, Éric Zemmour, Philippe de Villiers et le nouvel allié de Marine Le Pen, Éric Ciotti, sursautent sur leur banc avant d’échanger un regard entendu… Aussi affaiblie qu’elle puisse paraître, Marion Maréchal garde pour elle un verbe et des ambitions intacts. Pire, elle a une stratégie. 

Identité-Libertés

Depuis que son équipée avec Reconquête a tourné court, au lendemain des dernières européennes, la « Jeanne d’Arc du camp national », comme elle fut naguère surnommée, a pu donner le sentiment de tomber de cheval. Inaudible, ou presque, depuis son élection au Parlement européen, la trentenaire s’est décidée à créer sa propre microstructure, Identité-Libertés, tout en revenant dans le giron du Rassemblement national. Très exactement sept ans après en avoir bruyamment claqué la porte… 

Si ses relations avec Marine Le Pen se sont apaisées au point de permettre ce retour, le président du RN, Jordan Bardella, comme celui de l’UDR, Éric Ciotti, s’accordent pour tenir à l’écart cette alliée qu’ils redoutent de voir muer en rivale. « C’est un parcours un peu singulier, incompréhensible pour qui ne la connaîtrait pas », concède un de ses proches. Marion Maréchal, elle, oppose à ses contempteurs sa cohérence idéologique libérale-conservatrice ainsi que la constance de son combat en faveur d’une « coalition des droites ».

Typiquement sur le modèle de celle actuellement au pouvoir en Italie. « Il n’y avait aucune fatalité à ce qu’on se voie imposer un énième socle commun du bloc centriste, oppose-t-elle, mi-décembre, au lendemain de la nomination de François Bayrou à Matignon. Nous aurions pu imaginer une coalition où des individualités issues du centre droit acceptent d’aller vers le bloc national… » En clair, une hypothétique majorité à droite, allant du RN jusqu’à une partie du bloc présidentiel en passant par LR et Horizons, le parti d’Édouard Philippe… Plus qu’un fantasme, une chimère.

Rivalité. Sept ans après son départ fracassant, Marion Maréchal revient dans le giron du RN, maintenant présidé par Jordan Bardella.

Période de transition

Formulée par elle-même dans une tribune publiée cet automne dans Le Figaro, l’idée n’a eu qu’un faible écho. À commencer chez ses partenaires directs que sont le RN et l’UDR. Qu’importe. « Il est certain que c’est une période un peu de transition pour moi. Tout le monde l’aura compris, ce n’est pas un moment évident, glisse peu avant Noël Marion Maréchal. Mais j’ai appris à prendre avec sérénité les creux. Cela ne sert à rien de dépenser une énergie démesurée contre le vent. Il faut au contraire ne pas perdre de temps et construire à côté… » 

Pour s’y employer, l’élue nationaliste a décidé de régler ses pas sur ceux d’un mentor devenu modèle : Giorgia Meloni. Rencontrée pour la première fois en 2021, en marge du festival politique romain Atreju, la Première ministre italienne est devenue un de ses premiers soutiens et lui prodigue régulièrement aide et conseil. « Quand je te vois, je revois mon parcours, lui a-t-elle glissé en substance, lors d’une rencontre à Rome en juin dernier. Moi aussi j’ai assumé longtemps d’être dans une position minoritaire. Mais c’est justement ce qui m’a permis de devenir une alternative et de construire tout cela. » L’Italienne a invité sa protégée à s’en tenir à sa stratégie, bâtie sur deux jambes : un important travail d’influence au Parlement européen, notamment grâce au groupe et au parti des Conservateurs et réformistes européens (ECR), sans cesser de cultiver sa relation singulière avec l’opinion dans son pays… 

Travail en coulisse

Ce n’est donc pas un hasard si, fraîchement nommée vice-présidente du parti ECR, que présidait encore en décembre Giorgia Meloni, Marion Maréchal organise cette semaine, du 4 au 7 février, les toutes premières journées d’études du mouvement conservateur européen à Paris avec quelque 170 cadres et eurodéputés annoncés. « J’ai la chance d’appartenir à un groupe qui est aujourd’hui pivot au Parlement européen, voire faiseur de roi sur certains textes. C’est le temps de faire tout un travail en coulisse qui, bien qu’il n’y ait pas forcément de bénéfice électoral immédiat, est d’une importance capitale », livre Marion Maréchal. Qui, malgré ses propos, est loin d’avoir les yeux détachés des prochaines échéances électorales. Bien au contraire. 

Comme l’a révélé Le Point, la trentenaire s’intéresse aux prochaines élections municipales à Paris. « Il y a une réflexion, elle suit de très près la configuration parisienne », confirme un de ses proches, chargé, avec une poignée de fidèles, de commencer à travailler au scénario d’une candidature Maréchal soutenue par l’alliance RN en 2026. Derrière cette ambition, toujours Meloni. Il n’a pas échappé à la cheffe de file d’Identité-Libertés que, de l’autre côté des Alpes, une élection entre toutes avait permis à son aînée de rencontrer une dynamique et une visibilité sans pareilles : l’élection municipale à Rome, en 2016. 

Complicité. La Première ministre italienne soutient les ambitions de sa protégée.

Visibilité médiatique sans précédent

Pas plus que Giorgia Meloni à Rome, Marion Maréchal n’a de chance réelle de remporter l’Hôtel de Ville en raison de la sociologie de la capitale. Il n’empêche, l’intérêt est ailleurs. La course pour la succession d’Anne Hidalgo promet une visibilité médiatique sans équivalent. Sans compter l’opportunité d’obtenir pour la première fois des scores intéressants dans plusieurs arrondissements de l’Ouest parisien. 

Et puis, derrière cette bataille, un enjeu de taille se dessine. Celui de devenir, au sein du camp nationaliste, le politique le mieux à même d’incarner et de capter cet électorat âgé ou aisé qui, jusqu’à présent, a tant fait défaut au Rassemblement national dans ses tentatives de conquête du pouvoir. L’occasion pour Marion Maréchal de démontrer son existence comme son utilité électorale à qui, au RN ou ailleurs, pourrait en douter… Reste à savoir si ses alliés aux airs de rivaux, Jordan Bardella en tête, lui en laisseront