Retraites
La ministre (Renaissance) du Travail et de l’Emploi dénonce les tentatives du RN et du NFP de revenir sur le report de l’âge légal de départ et propose des améliorations sur l’usure professionnelle et les droits familiaux.
Le Figaro - 30 octobre 2024 - Par Tristan Quinault-Maupoil
LE FIGARO.- Comprenez-vous que les oppositions - RN et NFP - réinterrogent la réforme des retraites, moins de deux ans après son adoption ?
ASTRID PANOSYAN-BOUVET.- D’abord, vouloir l’abrogation sans rien proposer de sérieux pour financer notre système de retraite, ce n’est pas responsable. Je constate aussi que les propositions du RN sur les retraites sont très changeantes. Cette réforme des retraites était indispensable pour prendre en compte l’évolution démographique de notre pays, mais je sais qu’elle a été source d’anxiétés. Tout en respectant les équilibres financiers, le premier ministre a souhaité rouvrir des discussions. Les partenaires sociaux négocient actuellement sur l’assurance-chômage et l’emploi des seniors. Je leur proposerai dans la foulée de réfléchir à ce qui peut être amélioré sur les retraites : sur l’usure professionnelle et sur les droits familiaux notamment.
Mais le report de l’âge légal de départ suscite toujours un rejet dans l’opinion…
Je pense que la priorité des Français, c’est d’abord de pouvoir compter sur une retraite décente, et donc que chacun comprend la nécessité de préserver notre équilibre financier. Mais nous avons un taux d’activité des plus de 60 ans dans notre pays de 35 %, contre 70 % dans les pays d’Europe du Nord. Entre 50 et 59 ans, 35 % des ouvriers non qualifiés du bâtiment sont déjà en inaptitude. Quand on voit les difficultés à garder ou trouver un travail après 60 ans, je comprends aussi les interrogations et c’est cela que je veux corriger.
Dans le cadre de la discussion budgétaire, Gérald Darmanin estime qu’il faut travailler plus et a proposé de supprimer un jour de congé et de mettre fin aux 35 heures. Partagez-vous son avis ?
Pour moi, travailler plus, c’est combler notre retard sur l’insertion professionnelle des jeunes et sur le maintien en activité des seniors. Ce sont deux priorités. C’est aussi pourvoir les emplois qui existent : il y en a 500.000 vacants. C’est une question de formation professionnelle insuffisamment tournée vers les besoins et de freins à l’emploi comme les transports ou la garde d’enfants. C’est enfin susciter de nouveaux emplois et mieux accompagner les demandeurs d’emploi dans leur recherche effective d’un emploi. La réflexion doit donc être plus large qu’un jour travaillé de plus ou de moins dans l’année. Je salue les initiatives parlementaires qui vont dans le sens du travail et je suis disponible pour en discuter.
Justement, revient également le débat sur l’immigration de travail à la faveur de la volonté du ministre de l’Intérieur de présenter un nouveau projet de loi. Vous vous étiez abstenue lors du vote du texte de 2023. Comment abordez-vous le sujet désormais ?
J’étais favorable au volet régalien de la loi sur l’immigration, car il est normal de lutter contre l’immigration irrégulière mais je me suis abstenue pour deux raisons : je considère qu’un député n’a pas à déléguer au Conseil constitutionnel le soin de censurer ce que tout le monde sait inconstitutionnel et que différencier les droits entre deux travailleurs réguliers, l’un français l’autre étranger, qui cotisent la même chose, ce n’était pas précisément « promouvoir la valeur travail ».
L’idée, c’est de donner un cadre clair à une immigration économique, assumée et choisie, qui est nécessaire pour nos entreprises. Cela fait l’objet d’une analyse précise des besoins réels dans chaque région et des critères stricts de régularisation seront vérifiés par les préfets. J’ai rencontré Bruno Retailleau pour discuter de cet arrêté fixant la liste des métiers en tension. Il sera publié d’ici la fin de l’année après le temps de concertation nécessaire avec les partenaires sociaux. Je suis confiante, nous trouverons des points de convergence.
Le débat sur les arrêts de travail des fonctionnaires revient à la faveur de la volonté du gouvernement d’instaurer trois jours de carence pour les fonctionnaires. Dans le privé, y a-t-il encore des sources d’économies à réaliser ?
Les dépenses liées aux indemnités journalières dans le secteur privé sont passées en dix ans de 8 à 17 milliards d’euros. Cette dérive financière n’est pas tenable, c’est pour cela que nous avons mis sur la table une baisse du plafond de ces indemnités, en restant ouverts à d’autres idées des parlementaires. Mais il faut s’attaquer surtout à ses causes. J’organiserai, en début d’année prochaine, en lien avec le ministère de la Santé, une grande conférence sur la question de la santé au travail, avec les partenaires sociaux, et pour proposer des mesures structurelles pour 2026. Il nous faut trouver un juste équilibre entre responsabilité individuelle, responsabilité de l’entreprise et solidarité nationale.
Gabriel Attal aimerait que le gouvernement durcisse encore l’accès à l’assurance-chômage pour des économies immédiates, au bénéfice du budget 2024. Vous assumez une divergence avec le président des députés Renaissance ?
Cette réforme a été suspendue pendant la campagne des législatives, et il faudrait la remettre en place aujourd’hui ? L’assurance-chômage ne peut pas être regardée comme un outil d’ajustement budgétaire. Avec le premier ministre, nous avons choisi de demander aux partenaires sociaux de négocier en responsabilité. Je crois pleinement au dialogue social.
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