Retraites

Les syndicats et le patronat sont parvenus à un accord qui revalorise les pensions du régime complémentaire, supprime les malus et acte le refus collectif de voir l’Etat ponctionner dans les caisses du régime.

L'Opinion - 5 octobre 2023 - Par Sarah Spitz

Le 5 octobre à une heure du matin, les cinq organisations syndicales et trois patronales ont abouti à un accord pour renouveler la convention quadriennale du régime des retraites complémentaires. Chacun a jusqu’au 11 octobre pour valider leur signature.

Dès mercredi après-midi, c’est un étrange ballet qui a animé l’immeuble du 55 avenue Bosquet, à Paris. Des boîtes de pizzas entrent, repartent vides, des représentants syndicaux ou patronaux sortent, fument, passent des coups de fil, suivis d’un petit troupeau de journalistes, avant d’emprunter à nouveau les couloirs du Medef. Vers une heure du matin, les cinq organisations syndicales (CFDT, CGT, FO, CFE-CGC, CFTC) et les trois patronales (Medef, CPME, U2P) ont finalement abouti à un accord portant sur les nouvelles règles du régime des retraites complémentaires.

Premier sujet d’insomnie : combien vont gagner, en complément de leurs pensions de base, les 13 millions de retraités du secteur privé pour les quatre années à venir ? Le taux de revalorisation des pensions versées à partir de novembre 2023 s'élève finalement à 4,9%. Légèrement en dessous des 5% espérés par les syndicats, mais au-dessus des 4,6% initialement proposés par le patronat, et pile au niveau de l’inflation.

Pour la période suivante, entre novembre 2024 et novembre 2027, l’accord prévoit de valoriser les pensions de retraites complémentaires sur l’inflation. Le conseil d’administration de l’Agirc-Arrco, l’organisme paritaire qui gère le régime, pourra réduire le taux jusqu’à 0,4%, selon la situation financière du régime.

Le « malus » a été l’autre point dur de la négociation. Ce dispositif avait été mis en place en 2019, lorsque le régime était en difficulté. Il réduit de 10% la pension d’un actif qui part à la retraite dès l’atteinte de son taux plein, pour l’inciter à travailler plus longtemps. Maintenant que l’âge légal de départ à la retraite a été relevé à 64 ans, le patronat accepte de le supprimer, comme le demandaient les syndicats, dès le 1er décembre pour tous les nouveaux retraités et à partir du 1er avril pour les retraités déjà impactés.

Nous ne donnons aucunement la main au gouvernement pour venir puiser dans les caisses de l’Agirc-Arrco

Pascale Coton, CFTC

Ponction. « Ce sont les deux mesures fortes que nous attendions », se félicite Yvan Ricordeau, numéro deux de la CFDT. « C’est un projet d’accord qui, vu les conditions politiques dans lesquelles il est négocié, sauvegarde le paritarisme », estime pour sa part Michel Beaugas de FO. « Et surtout, nous ne donnons aucunement la main au gouvernement pour venir puiser dans les caisses de l’Agirc-Arrco », souligne Pascale Coton de la CFTC.

C’était tout l’enjeu de cette négociation : faire front face à un gouvernement qui lorgne les caisses du régime de l’Agirc-Arrco, excédentaire, et dont une partie des recettes à venir sont induites par sa réforme des retraites. La somme, qu’il estime entre 1 à 3 milliards d’euros par an, pourrait servir à financer le relèvement du minimum contributif (mico) à 85% du smic qu’il a promis.

Face à cette menace, une fois n’est pas coutume, le patronat et les syndicats sont parfaitement alignés, même s’il a fallu tout de même suspendre la séance pendant deux heures pour que les organisations patronales se mettent d’accord. « Nous pouvons collectivement, toutes les organisations autour de la table, nous féliciter parce que nous avons démontré que le paritarisme fonctionne bien, à deux titres : nous avons pratiqué le paritarisme de négociation pendant ces cinq séances, et en même temps, nous l’avons fait parce que l’Agirc-Arrco est un régime de paritarisme de gestion, il est important de rappeler les deux dimensions de la démocratie sociale », souligne Diane Milleron-Deperrois, négociatrice pour le Medef.

Les ressources du régime Agirc-Arrco ne doivent être mobilisées que pour financer les prestations dont il assure le service à ses affiliés

En préambule de l’accord, les partenaires sociaux l'écrivent noir sur blanc : « les ressources du régime Agirc-Arrco ne doivent être mobilisées que pour financer les prestations dont il assure le service à ses affiliés ». Le négociateur pour la CPME, Eric Chevée, regrette que l’accord ne soit pas plus explicite et « s’arrête à un pas de ce qu’il fallait faire » pour se préserver véritablement de la ponction du gouvernement. Initialement, il était favorable à une contribution financière, d’environ 400 millions d’euros, en deçà de ce que réclame le gouvernement, mais c'était une manière de faire un geste en sa direction.