Société civile
Revalorisation des retraites et des minima sociaux, hausse du salaire des fonctionnaires, remise carburant, chèque alimentaire, fin de la redevance... le gouvernement prévoit une batterie de mesures pour soutenir les ménages frappés par l'inflation. Ce paquet législatif pouvoir d'achat est débattu au Parlement.
Les Echos - 21 juillet 2022 - Par Valérie Mazuir
Faire progresser légèrement - 0,5 % - le pouvoir d'achat des Français malgré l'explosion de l'inflation à coups de chèques, tout en contenant tant bien que mal les déficits publics : tels sont les objectifs du gouvernement avec son paquet législatif - un projet de loi ordinaire portant mesures d'urgence et un projet de loi de Finances rectificative - dévoilé le 7 juillet 2022 après deux mois d'attente.
L'examen de ces deux projets de loi est le premier grand test pour la nouvelle Assemblée nationale et déterminera, ou non, la capacité du camp Macron à trouver des compromis et faire passer des textes malgré son absence de majorité absolue.
L'adoption définitive de ce paquet pouvoir d'achat, à l'issue d'une navette avec le Sénat, est programmée au 7 août, si le plan du gouvernement se déroule comme prévu.
Tour d'horizon de ce qu'il faut savoir sur les mesures prévues par le gouvernement, les modifications apportées lors du débat au Parlement... avec des liens vers les décryptages des spécialistes des « Echos » :
· Les mesures prévues par le gouvernement
Revalorisation des retraites de base
Le gouvernement souhaite revaloriser les retraites de base de 4 %, en anticipation de la revalorisation annuelle de janvier. Cette mesure serait rétroactive à compter du mois de juillet 2022. La hausse s'ajouterait à celle de 1,1 % de janvier 2022.
Revalorisation des prestations sociales
A l'instar des retraites, l'ensemble des minima sociaux et les prestations sociales indexées sur l'inflation seraient revalorisés par anticipation en juillet, à hauteur de 4 % : RSA, allocation adulte handicapé, prime d'activité , allocations familiales... A part le minimum vieillesse, qui est revalorisé en janvier, ces prestations avaient déjà été augmentées de 1,8 % en avril.
Point d'indice des fonctionnaires
Après cinq années de gel, les 5,7 millions d'agents publics devraient obtenir une augmentation générale, applicable au 1er juillet, de 3,5 % de la valeur du point d'indice qui sert de base à leur rémunération. Une augmentation insuffisante selon les syndicats, face à une inflation supérieure à 5 %.
Cotisations des indépendants
Les travailleurs indépendants devraient bénéficier d' une baisse pérenne des cotisations sociales quand leur revenu net d'activité est proche du SMIC. Avec cette mesure, l'exécutif dit cibler plus de 2 millions d'artisans, commerçants, professionnels libéraux et chefs d'exploitation ou d'entreprise agricole et microentrepreneurs. La baisse de prélèvements interviendrait pour le calcul des cotisations dues au titre de 2022 et serait effective dès la fin de l'année.
« Prime Macron »
Le plafond de la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat défiscalisée et désocialisée, dite « prime Macron », devrait être triplée. Les entreprises pourront donc verser jusqu'à 3.000 euros à leurs salariés et même jusqu'à 6.000 euros pour celles ayant mis en place un dispositif d'intéressement ou de participation.
Intéressement dans les entreprises
Le gouvernement veut aussi faciliter la mise en place de l'intéressement dans les PME . Cet outil d'épargne salariale lié aux performances de l'entreprise pourrait être mis en place par une décision unilatérale en cas d'échec des négociations pour les moins de 50 salariés. Le projet de loi prévoit aussi d'allonger de trois à cinq ans la durée maximale de l'intéressement. Des dispositifs d'accords types seraient proposés.
Chèque alimentaire
Le gouvernement envisage une aide exceptionnelle de rentrée de 100 euros par foyer, auxquels s'ajoutent 50 euros par enfant à charge. Près de 8 millions de foyers modestes en bénéficieraient . L'aide serait versée automatiquement aux allocataires des minima sociaux, des aides au logement et aux étudiants boursiers. Cette mesure devrait être prise par décret.
Loyers
Le gouvernement ne souhaite pas de gel des loyers comme le demandaient des associations , et préfère une limitation des hausses. L'indice de référence des loyers (IRL) serait figé pendant un an à partir du 30 juin, au lieu de suivre l'évolution des prix à la consommation. La revalorisation annuelle des loyers entre le 1er juillet et le 30 juin 2023 resterait ainsi plafonnée à 3,5 %. Alors qu'autrement, l'IRL aurait pu atteindre au moins 5,5 % dans les mois à venir.
Les aides personnalisées au logement (APL) seraient également revalorisées de 3,5 %.
Energie
Le gouvernement veut prolonger le bouclier tarifaire sur le prix du gaz et de l'électricité jusqu'à la fin de l'année 2022.
Le projet de loi pouvoir d'achat prévoit également différentes mesures pour faire face aux risques de pénurie énergétique : il facilite le redémarrage prochain de centrales au charbon et crée un régime dérogatoire pour accélérer l'approvisionnement en gaz depuis un terminal méthanier flottant, qui pourrait voir affluer du gaz de schiste américain.
Remise carburant
Dans son projet de loi, le gouvernement indique vouloir prolonger au moins jusqu'à fin septembre la remise carburant de 18 centimes (en métropole continentale), instaurée depuis le 1er avril. Elle serait ramenée à 12 centimes le 1er octobre puis à 6 centimes le 1er novembre avant de s'éteindre le 1er décembre.
Pour la remplacer, une « indemnité carburant travailleurs » serait, sous condition de ressources, mise en place dès octobre pour les salariés qui utilisent leur voiture pour aller travailler . Elle serait comprise entre 100 et 300 euros, en fonction du niveau de revenu et de la distance parcourue.
A noter que ces mesures devraient évoluer suite à un compromis avec notamment les élus LR (lire ci-dessous).
Redevance audiovisuelle
Aucun avis d'imposition à la contribution à l'audiovisuel public ne sera émis cet automne, a promis le gouvernement. Cette suppression de la redevance TV représente une économie d'impôt de 138 euros par an pour les Français de métropole. Près de 23 millions de foyers sont concernés, mais aussi les entreprises des secteurs de l'hôtellerie, des cafés et de la restauration.
A noter que cette promesse d'Emmanuel Macron est épineuse. La gauche est vent debout et les socialistes proposent plutôt une « contribution universelle et progressive » pour financer l'audiovisuel public. La question n'est pas tranchée, alors que le ministre des Comptes publics, Gabriel Attal, s'est dit « prêt » à regarder la piste d'une « affectation de taxe ».
Résiliation des contrats
Le projet de loi prévoit que pour les contrats souscrits en ligne et couvrant les personnes physiques « en dehors de leurs activités professionnelles », il doit être possible de les résilier en ligne via « un accès facile, direct et permanent à une fonctionnalité dédiée ». Ces nouvelles obligations en matière de résiliation s'appliqueraient au plus tard en février 2023, y compris pour les contrats en cours.
Minima salariaux de branches
Pour forcer les représentants patronaux des branches professionnelles à revaloriser leurs grilles salariales pour tenir compte des hausses du SMIC, le gouvernement brandit la menace de la fusion d'office des branches. Le dispositif serait appliqué « avec discernement », tempère l'exécutif : seules les branches dont les minima sont inférieurs au SMIC depuis plus d'un an seraient concernées.
Pour en savoir plus :
· Le débat au Parlement :
Jacques Witt/SIPA
Le projet de loi de 20 articles « portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat » a été adopté le 22 juillet au petit matin, en première lecture, par l'Assemblée à l'issue de quatre jours de débats sous haute tension entre la majorité et les oppositions. Plus d'un millier amendements avaient été déposés. Le texte a été validé par 341 voix pour, 116 contre et 21 abstentions, avec l'apport des voix de députés de LR et du RN .
Rare moment de concorde pendant les débats, le vote à la quasi-unanimité de la déconjugalisation de l'allocation adulte handicapé (AAH).
Pour en savoir plus sur le projet de loi « portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat » :
Le suivi de l'examen en première lecture à l'Assemblée nationale
L'Assemblée examine désormais le deuxième volet du paquet pouvoir d'achat : le projet de loi de Finances rectificatives 2022 (PLFR), qui permet de financer les mesures et comprend aussi plusieurs dispositifs clefs : poursuite de la remise carburant et du bouclier tarifaire sur l'énergie, revalorisation du point d'indice des fonctionnaires, financement de l'OPA pour renationaliser EDF et encore suppression de la redevance audiovisuelle.
Bruno Le Maire, le ministre de l'Economie et des Finances.Jacques Witt/SIPA
Avant le débat en séance, des nouveautés ont d'ores et déjà été apportées lors de l'examen du PLFR en commission des Finances : notamment une défiscalisation plus large des heures supplémentaires, une piste suggérée par le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, lui-même juste avant le débat budgétaire. Deux amendements déposés par des élus Renaissance (ex-LREM) prévoient d'augmenter la limite en dessous de laquelle les heures supplémentaires sont exonérées d'impôt sur le revenu.
Bruno Le Maire s'est également montré ouvert à la monétisation des jours de RTT travaillés. Un amendement Renaissance propose d' étendre à leur rachat les mesures d'exonération fiscale et sociale applicables aux heures supplémentaires .
Le ministre s'est dit également « prêt » à augmenter le plafond journalier des titres-restaurant de 19 à 25 euros, estimant que c'est une « bonne proposition » issue de l'opposition.
Concernant les mesures carburants, Bruno le Maire s'est dit « prêt » à « reprendre des propositions [de l'opposition] si elles sont meilleures ». Le ministre a cependant rappelé que les compromis et « propositions constructives » devaient se faire sans « surenchère financière », « sans dégrader les finances publiques, sans ralentir la transition climatique et en valorisant le travail ». Bref, pas question de baisser le prix du litre à 1,50 euro comme le demandent les LR. En revanche la ristourne à la pompe pourrait devenir plus importante à la rentrée et baisser progressivement jusqu'à fin décembre. En contrepartie le projet d'indemnité carburants pour les travailleurs modestes serait abandonné.
Elisabeth Borne a, elle, ouvert la porte à un doublement de l'aide défiscalisée que peuvent verser les entreprises aux salariés pour couvrir leurs frais de carburant. « La philosophie est de protéger le pouvoir d'achat de tous les Français sur le carburant à la rentrée, et que les entreprises prennent ensuite le relais », a déclaré la Première ministre. « Elles pourraient verser une aide défiscalisée allant jusqu'à 400 euros à leurs salariés qui ont une importante consommation, soit l'équivalent d'une remise de près de 50 centimes à la pompe pour un salarié qui fait 12.000 kilomètres par an », a-t-elle ajouté.
Autre sujet brûlant qui anime les débats, celui d'une taxe exceptionnelle sur les bénéfices de grandes entreprises gazières et pétrolières ou de grands transporteurs qui bénéficient d'une rente de situation depuis la guerre en Ukraine. La Nupes a déposé des amendements en ce sens. La question monte aussi dans la majorité présidentielle. Face au spectre de cette contribution, les deux groupes particulièrement visés - Total et CMA-CGM - ont d'annoncer le 22 juillet de nouvelles ristournes.
Pour en savoir plus sur le projet de loi de Finances rectificative pour 2022 :
Le suivi de l'examen en première lecture à l'Assemblée nationale
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A lire sur le vote en première lecture du texte pouvoir d'achat :
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Pour en savoir plus sur le projet de loi « portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat » :
Le suivi de l'examen en première lecture à l'Assemblée nationale
Les heures supplémentaires au coeur du débat
Le plafond des heures supplémentaires défiscalisées devrait être revalorisé
DECRYPTAGE - L'incitation aux heures supplémentaires tributaire de la conjoncture
Pour en savoir plus sur le projet de loi de Finances rectificative pour 2022 :
Le suivi de l'examen en première lecture à l'Assemblée nationale
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