Situation et perspectives des finances publiques 2014
La Cour des comptes rend public, le 17 juin 2014, son rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques, établi en application de l'article 58-3° de la loi organique relative aux lois de finances. Il vise à nourrir le débat du Parlement sur les orientations des finances publiques, mais aussi, cette année, sur les projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale rectificatives.
2013 : une réduction du déficit moins forte que prévu
Des comptes publics qui restent plus dégradés que ceux de la moyenne de l’Union européenne
2014 : des risques de dépassement de l’objectif de déficit
Des perspectives pour 2015 à 2017 très fragiles
Des mesures structurelles d’économies à engager
Des outils de programmation des finances publiques à renforcer
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2013 : une réduction du déficit moins forte que prévu
Le déficit public (4,3 % du PIB) a été réduit de manière moins importante que prévu. L’évolution modérée des dépenses publiques n’a pas compensé la faiblesse des recettes, hors mesures nouvelles. Malgré un effort structurel considérable (1,5 point de PIB), le déficit structurel (3,1 % du PIB) reste loin de la trajectoire de la loi de programmation (1,6 % du PIB prévu en 2013).
Si le déficit de l’État a diminué de près de 13 Md€, celui des administrations de sécurité sociale ne se réduit quasiment plus depuis 2011 et celui des administrations publiques locales s’est creusé, à 0,4 % du PIB.
Des comptes publics qui restent plus dégradés que ceux de la moyenne de l’Union européenne
En dépit d’une croissance économique en moyenne plus élevée, la France n’a pas amélioré la situation relative de ses déficits publics. Sa dette publique, qui a augmenté plus que la moyenne européenne, se situe désormais au-dessus de celle-ci. Les dépenses publiques ont crû en France en 2013, alors qu’elles ont baissé dans le reste de l’Europe, et la progression des recettes y a été plus forte qu’ailleurs.
L’écart entre la France et l’Allemagne en termes de poids des dépenses publiques s’est accru entre 2001 et 2013 : la part des dépenses publiques dans le PIB a progressé de 5,4 points, alors qu’elle a baissé de 2,9 points en Allemagne. Cet écart tient pour l’essentiel aux évolutions des prestations sociales et des dépenses de fonctionnement des administrations publiques.
2014 : des risques de dépassement de l’objectif de déficit
La prévision de croissance de 1 % du PIB en 2014 retenue par le programme de stabilité a été jugée élevée, sans être considérée hors d’atteinte, par le Haut Conseil des finances publiques.
Compte tenu des pertes de recettes enregistrées en 2013, le programme de stabilité prévoit, pour 2014, un rendement des prélèvements obligatoires inférieur de 10 Md€ à la prévision de septembre dernier. Malgré cette correction, la Cour identifie encore un risque à la baisse, de 2 à 3 Md€, lié à la prévision d’élasticité des prélèvements obligatoires.
Même s’ils ne laissent aucune marge de sécurité, les nouveaux objectifs de dépenses de l’État devraient être atteints, de même que ceux des administrations de sécurité sociale (hormis ceux de l’Unédic). En revanche, malgré leur révision à la hausse, les prévisions de croissance des dépenses des administrations publiques locales paraissent encore sous-estimées, masse salariale et prestations sociales notamment.
Le déficit des administrations publiques pourrait donc être proche de 4,0 % du PIB en 2014, voire légèrement supérieur si la prévision de croissance du Gouvernement ne se réalise pas.
Enfin, même si les objectifs de déficit du programme de stabilité sont atteints, la dette publique dépassera 2 000 Md€ à la fin de 2014.
Des perspectives pour 2015 à 2017 très fragiles
Le retour à l’équilibre structurel des comptes publics, prévu en 2016 dans la loi de programmation, est reporté à 2017 dans le programme de stabilité 2015-2017. Ce programme intègre désormais le pacte de responsabilité et de solidarité et la montée en charge du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi. Compte tenu par ailleurs de la hausse programmée de certaines taxes, les prélèvements obligatoires devraient ainsi baisser de 14 Md€. Cette baisse nette ne s'élevant qu'à 6 Md€ dans les prévisions de finances publiques associées à la loi de finances initiale pour 2014, le complément a été compensé par une diminution de 8 Md€ des dépenses publiques prévues à l'horizon de 2017, afin d’atteindre le même objectif de déficit. Comme le montant des économies de dépenses prévues (50 Md€) n’est pas augmenté, le Gouvernement a donc implicitement révisé à la baisse son estimation de la croissance tendancielle des dépenses.
Si une partie des 50 Md€ d’économies est acquise ou suppose le prolongement d’efforts déjà engagés, 30 Md€ d’économies sont encore peu documentées, voire pour certaines d’entre elles incertaines car elles devront être réalisées par des administrations publiques dont l’État ne maîtrise pas les dépenses : régimes complémentaires d’assurance vieillesse, Unédic et, surtout, collectivités territoriales à hauteur de 11 Md€. Ces dernières peuvent en effet compenser en partie la baisse des dotations que leur verse l’Etat par une hausse des taux des impôts locaux ou un accroissement de leur endettement.
Les objectifs d’économies pour l’année 2015 sont très ambitieux. Or les économies identifiées dans le cadre de la modernisation de l’action publique ne sont pas à la hauteur de cet enjeu : seuls 5 à 7 Md€ d’économies sont annoncés, sans que des mesures documentées et un calendrier précis soient présentés.
Les incertitudes qui s’attachent à la réalisation des économies prévues en dépenses, ajoutées aux risques pesant sur les prévisions de recettes, rendent très fragile la trajectoire des finances publiques 2015-2017, plus particulièrement pour l’année 2015.
Des mesures structurelles d’économies à engager
Le programme de stabilité prévoit 18 Md€ d’économies pour l’État et ses opérateurs, 11 Md€ pour les collectivités locales et 10 Md€ pour l’assurance maladie. La Cour a choisi d’éclairer les réformes susceptibles d’infléchir durablement les dépenses relatives à la masse salariale publique, aux dépenses des collectivités locales et à l’assurance-maladie.
La masse salariale représente 23 % des dépenses publiques. Si la politique mise en œuvre à partir de 2013 (stabilité globale des effectifs, poursuite du gel du point d’indice et réduction de l’enveloppe des mesures catégorielles) est maintenue, la masse salariale de l’État augmentera d’environ 750 M€ par an, soit trois fois plus que l’objectif du budget triennal 2013-2015. De leur côté, les dépenses de personnel des administrations publiques locales et de sécurité sociale ont augmenté respectivement de 2,8 % et 1,2 % par an en volume au cours des dix dernières années (contre une baisse annuelle de 0,1 % pour les administrations centrales).
Les mesures utilisées dans la période récente risquent donc d’être insuffisantes et le recours à des leviers complémentaires doit être envisagé. Ils pourraient concerner notamment les rémunérations accessoires et régimes indemnitaires, les effectifs et la durée effective du travail, pour laquelle un bilan d’ensemble devrait être réalisé pour les trois fonctions publiques.
Les charges de fonctionnement des collectivités locales augmentent tendanciellement de près de 3 % par an. La hausse des dépenses de personnel pourrait être freinée par le ralentissement des recrutements ainsi qu’une révision des règles de gestion relatives aux avancements, à la durée du travail et aux régimes indemnitaires. Des économies sont possibles sur les achats de biens et services au moyen d’une politique d’achats plus efficiente et mieux coordonnée entre communes et intercommunalités. Les régions peuvent également réaliser des économies sur l’offre de transports régionaux de voyageurs et leur politique tarifaire.
Il apparaît enfin indispensable de mobiliser les gisements d’économies considérables que recèle le système de santé, ce qui est possible sans compromettre la qualité et l’égalité d’accès aux soins.
Les établissements de santé représentent 44 % des dépenses de l’objectif national de dépenses d’assurance-maladie. L’accélération du développement de la chirurgie ambulatoire y représente un enjeu majeur, permettant à terme de l’ordre de 5 Md€ d’économies.
La consommation française de médicaments, bien qu’elle ait nettement ralenti, est encore de 22 % supérieure en volume à celle observée par les pays voisins. Si la part de marché des médicaments génériques en volume était du même ordre qu’en Allemagne ou au Royaume-Uni, l’assurance maladie pourrait économiser de 2 à 5 Md€.
Sur les dépenses d’analyses médicales ou de transports sanitaires, la Cour a également mis en évidence un potentiel très important d’économies.
Des outils de programmation des finances publiques à renforcer
La Cour constate de fréquents écarts entre prévisions et réalisation. Ainsi, en moyenne, pour les lois de finances des années 2003 à 2013 (hors 2009), la croissance spontanée des prélèvements obligatoires a été surestimée de 4 Md€ par an et l'augmentation des dépenses publiques en valeur sous-estimée de 5 Md€.
Afin d’améliorer le respect des prévisions, certaines règles pourraient être adaptées pour être plus efficaces. Ainsi, les lois de programmation devraient comporter un objectif d’évolution en valeur des dépenses de l’ensemble des administrations publiques, décliné en objectifs par sous-catégories d’administrations. S’agissant de l’État, la loi de programmation pourrait également établir une règle encadrant l’évolution des crédits d’impôts, comme c’est le cas pour les dépenses budgétaires, et un objectif d’évolution du coût des autres dépenses fiscales.
Enfin, une loi de financement de la sécurité sociale dont le champ serait élargi à l’ensemble de la protection sociale obligatoire et une « loi de finances des collectivités territoriales » constitueraient des outils d’autant plus nécessaires que l’effort d’économies visé porte, pour une part importante, sur des administrations publiques non couvertes par une loi financière.
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