Tribune

Humiliés par les défaites du Hamas et du Hezbollah, les dirigeants iraniens ont lancé contre Israël une réplique calculée. Mais les calculs les mieux ourdis échappent parfois à leurs auteurs…

LeJournal.info - 01 octobre 2024 - Par Laurent Joffrin

Pour l’instant, nous restons dans les limites d’une guerre contenue. L’Iran vient de tirer près de deux cents missiles contre les grandes villes d’Israël, agression directe d’un État à un autre, qui aurait causé un immense massacre sans l’efficacité de la défense aérienne israélienne. Mais les dirigeants iraniens savaient aussi que ces engins seraient détectés dès leur lancement et que l’armée adverse aurait le temps de se préparer pour en annuler les effets.

On peut donc supposer, à bon droit, que cette agression a été soigneusement calculée pour permettre aux dirigeants iraniens de sauver la face, sans causer de pertes civiles massives en Israël, lesquelles auraient pu justifier une attaque de grand style contre le territoire iranien. Le même langage de la guerre maîtrisée avait été utilisé par Téhéran en avril dernier, quand une pluie de drones s’était abattue sur Israël en représaille du bombardement du consulat iranien à Damas par l’aviation de Netanyahou. Protégés par leur « dôme de fer », les Israéliens avaient répondu par des attaques limitées.

Mais il arrive aussi, dans les guerres, que les calculs les mieux ourdis échappent à leurs auteurs. En lançant son armée dans le Sud-Liban, le gouvernement Netanyahou a fait monter la tension régionale d’un cran, prenant le risque d’une escalade incontrôlable susceptible de mettre à feu et à sang tout le Moyen-Orient. Nous n’en sommes pas là, mais le risque existe, qui justifie d’autant plus les appels à la retenue et au cessez-le-feu lancés par les démocraties, en Europe et aux États-Unis, certes solidaires d’Israël, mais qui cherchent aussi à circonscrire un incendie ravageur.

L’atmosphère au sein de l’État hébreu prend un tour triomphal. En détruisant Gaza, en disloquant le Hamas, en décapitant le Hezbollah par une attaque inattendue qui démontre sa supériorité technologique et l’excellence rétablie de ses services de renseignement, Israël est en passe de gagner cette guerre. Son image dans le monde est gravement détériorée en raison des pertes civiles implacables infligées à la population de Gaza, et maintenant à celle du Liban. Mais sa prédominance régionale est de nouveau prouvée, sur le plan militaire en tout cas, et la stupidité insigne des dirigeants du Hamas étalée aux yeux de tous.

En menant il y a un an une attaque barbare contre les civils israéliens, l’organisation terroriste a entraîné la destruction de la Gaza, la mort de 40 000 Palestiniens, le démantèlement de ses capacités offensives et l’affaiblissement cruel de ses alliés du Hezbollah. Aussi bien, le Hamas a permis aux Israéliens d’infliger à ses parrains iraniens des défaites humiliantes, qui expliquent aujourd’hui leur réplique offensive.

Il incombe maintenant aux démocraties, faute d’avoir pu imposer un cessez-le-feu, de contenir l’hubris de la victoire qui risque de saisir bientôt le gouvernement Netanyahou, où l’extrême-droite, présente en force, poussera à l’accomplissement de son rêve de « Grand Israël ». Vainqueurs menacés, les Israéliens exposés aux menaces iraniennes doivent maintenant chercher les voies de la paix – qui passent par la reconnaissance du droit des Palestiniens – comme ils ont su emprunter avec succès celles de la guerre.