Tribune
La députée européenne reproche au maire de Saint-Ouen de ne pas adopter ses thèses sur la guerre de Gaza. Pourquoi lui plutôt qu’un autre ? Parce qu’il serait traître à sa communauté d’origine.
Le journal.info - 27 octobre 2024 - Par Laurent Joffrin
Rima Hassan, députée LFI, a trouvé une nouvelle cible. Un membre du RN ? Un élu de la droite particulièrement réac ? Un macroniste dévot ? Non, un socialiste : Karim Bouamrane, maire de Saint-Ouen. Cet élu de gauche républicain a commis un crime impardonnable : alors qu’il est d’origine marocaine, et donc arabo-musulmane selon les subtiles catégories racialistes de Rima Hassan, il tient sur la guerre de Gaza une position moins unilatérale que la députée européenne. Scandale…
Dès lors tout est bon, à commencer par la calomnie. Dans un tweet rédigé avec une frémissante indignation, celle-ci accuse Bouamrane de n’avoir jamais dit un mot sur les bombardements israéliens qui ont fait quelque 40 000 morts à Gaza. Et d’ajouter, pour bien préciser sa pensée : « Un chalghoumi qui parle bien reste un chalghoumi ». Référence à l’imam de Drancy Hassen Chalghoumi, clerc musulman qui condamne l’antisémitisme et tient des propos outrageusement républicains, et devenu pour cette raison la bête noire des décoloniaux.
Pas de chance, voici un extrait du communiqué publié par Bouamrane sur ce même conflit : « Nous sommes indignés par ces bombardements qui ont fait plusieurs dizaines de milliers de victimes – femmes, enfants et hommes – alourdissant encore le bilan dramatique de cette guerre. Ces actes de génocide sont insoutenables. » En fait, Bouamrane condamne hautement les bombardements israéliens, employant même le terme de génocide. Mais au grand dam d’Hassan, il réprouve aussi l’attaque du 7 octobre, que les propalestiniens radicaux qualifient d’acte de résistance, il demande la libération des otages israéliens et se prononce pour la solution dite « à deux États ». C’est donc un traître à la cause, puisque, manifestement, pour Rima Hassan, l’origine ethnique doit commander les positons politiques.
C’est d’ailleurs sur cette base que l’activiste, qui publie de manière compulsive, jour après jour, des tweets anti-israéliens et pose devant une carte de la région où la Palestine va « de la rivière à la mer », se dispose à faire campagne à Saint-Ouen lors des prochaines municipales : « J’irai faire campagne à Saint-Ouen pour LFI. Soyez-en assuré. Hâte. » Elle répondait ainsi à un message d’un certain Juan Atkinson, militant insoumis : « Bon, Vannier et Bompard, on est d’accord qu’il y aura un candidat LFI aux municipales de Saint-Ouen. Et une pointure tant qu’à faire, non ? »
Ce qui confirme, s’il en était besoin, la stratégie de LFI pour les prochaines élections dans les communes. Battre la droite ou le RN ? Tel n’est plus l’essentiel : il s’agit surtout de faire payer leur désir d’autonomie aux socialistes qui souhaitent se démarquer des outrances mélenchonistes. Pour ce faire, les Insoumis comptent sur la mobilisation des musulmans « des quartiers » qui, pensent-ils, voteront comme un seul homme contre quiconque n’est pas rallié à leur ligne sur la guerre de Gaza.
On ne saurait plus clairement afficher une stratégie communautaire destinée à compenser la mince influence de LFI parmi les classes populaires. D’où la campagne de Rima Hassan contre Bouamrane, traître à sa communauté supposée, conforme aux thèses décoloniales, qui consistent à remplacer, à l’extrême-gauche, la lutte des classes par la lutte des races.
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