portrait de Laurent JOFFRIN (Photo Philippe-Matsas, 2020)

Edito

La pantalonnade a assez duré. A moins de vouloir une dissolution qui conduirait à la victoire du Rassemblement national ou, à défaut à une nouvelle chambre ingouvernable, il est temps de trouver le compromis qui assurera la stabilité gouvernementale jusqu’à la présidentielle.

Le Journal.info - 8 octobre 2025

Il est toujours utile, dans les crises, de mesurer ce que coûteraient les postures avantageuses de ceux qui prétendent trancher le nœud gordien sans réfléchir à la suite. Censure, puis dissolution ! disent les esprits forts. Mais quel est le scénario probable ? La France entrerait dans une nouvelle campagne électorale, amère et violente. Le RN ferait une campagne toute simple : vous ne nous avez jamais essayés ; face à l’incurie des autres nous sommes assurés de faite mieux, ou à tout le moins de ne pas faire plus mal. Chiche !

Dans cette hypothèse, le RN n’est certes pas assuré de l’emporter seul. Mais s’il progresse suffisamment, gageons qu’il trouvera quelques supplétifs à droite pour lui ouvrir la porte de Matignon. Déjà plusieurs voix, des deux côtés, caressent cette combinaison qui assurerait une majorité au nationalisme intolérant. Il échouerait rapidement ? Rien n’est moins sûr. Il lui suffira, appuyé par sa base parlementaire, de prendre deux ou trois mesures populaires et d’imputer ses difficultés aux entraves que lui opposerait « le système », représenté par la gauche et par Emmanuel Macron, pour se retrouver en position favorable pour la présidentielle.

La campagne serait un calvaire pour tous. La droite devra annoncer avec qui elle s’alliera après le scrutin, ce qu’elle est bien incapable de faire. Les macronistes en pleine déconfiture devront défendre un bilan indéfendable, ce qui les conduira à l’effondrement. Après s’être émancipés de LFI, les socialistes devront expliquer pourquoi ils concluent une nouvelle alliance électorale avec des populistes menteurs et agressifs qui ont juré leur perte. Et si le RN est une nouvelle fois battu – choses éminemment souhaitable – nous aboutirions à une nouvelle assemblée sans majorité, ce qui nous ramènerait au cas précédent : la recherche de l’introuvable compromis.

Soyons lucides : autant s’y atteler tout de suite, pour respecter les échéances normales, éviter l’instabilité née d’une énième campagne électorale qui coûterait fort cher à l’économie, et préparer, après les municipales, une campagne présidentielle en bonne et due forme, où le peuple aura tout loisir de choisir la voie qu’il souhaite.

En fait, si le sens des responsabilités l’emporte, l’accord est possible. Non pour former un improbable gouvernement de coalition, mais pour négocier une non-censure entre le PS et le bloc central, qui reporte la réforme des retraites et améliore le pouvoir d’achat des classes populaires en demandant un effort spécial aux plus riches, ce qui ne serait que justice. Dans ce schéma, la droite et le centre gouverneront au nom de leur majorité relative et la gauche, après avoir obtenu les concessions qu’elle demande, jouera son rôle de force d’opposition qui préparera la présidentielle, projet contre projet.

C’est la seule solution raisonnable, conforme à l’intérêt du pays. Reste à savoir si la raison garde un semblant de crédit dans ce débat foutraque qui s’étale sur les plateaux et sur les réseaux, dominé par des irresponsables…