Editorial

Sébastien Lecornu brandit comme une victoire son budget de la Sécurité sociale, mais l’honnêteté tout comme l’inquiétude qu’inspire le délitement de notre pays obligent à considérer ce moment comme une défaite collective.

Le Figaro - 10 décembre 2025 - Par Vincent Trémolet de Villers

 

Les amateurs de tambouille parlementaire - s’il en reste quelques-uns - goûteront avec un brin d’admiration la recette de Maître Lecornu. Un bouillon de socialisme, un bloc central coupé en morceaux, une pincée d’écolos, un bouquet de LR, des Horizons émincés : faire mijoter quelques semaines, et la soupe est prête. Potion tragique au regard de nos finances publiques, mais il faut bien passer l’hiver…

Le premier ministre, on le comprend, brandit comme une victoire son budget de la Sécurité sociale, mais l’honnêteté tout comme l’inquiétude qu’inspire le délitement de notre pays obligent à considérer ce moment comme une défaite collective. La France n’est pas une île ; l’Assemblée n’est pas une principauté. Ce dont on discute depuis trois mois est en décalage total avec les urgences d’une nation surendettée et déclassée. Les prédateurs se partagent le monde, la France décourage ses forces vives. « Travailler moins pour gagner un peu moins », « imposer plus pour dépenser plus » sont les devises de cet exercice budgétaire.

Le PS et la droite LR, brancardiers d’un macronisme déjà condamné

Les effets économiques de ce marchandage sont catastrophiques. Ils consistent, en balançant à la Seine la réforme des retraites, en jouant sans vergogne à « qui veut taxer des milliards ? », à stabiliser le naufrage. 
Les effets politiques ne sont pas plus glorieux. L’Assemblée s’est changée en gigantesque conseil général, en foirail où l’on négocie le bout de gras tout en laissant planer le spectre d’une dissolution en cas de défection. Au bout du compte, trop de députés défendent leur intérêt particulier, à très court terme, tout en embouchant, sans vergogne, le clairon de l’intérêt national.

Un choix tactique fascinant a poussé le Parti socialiste et la droite LR à se faire les brancardiers d’un macronisme déjà condamné. Voter le budget avec François Hollande, s’abstenir avec les amis de Sandrine Rousseau, c’est donc la perspective qu’ont décidé d’ouvrir les troupes de Laurent Wauquiez et d’Édouard Philippe. Tout ce petit monde fait corps pour s’enfermer ensemble dans une impasse. Pendant ce temps, l’autoroute est grande ouverte pour Jean-Luc Mélenchon et Jordan Bardella. La stabilité à tout prix, c’est l’antichambre du chaos.