"Le temps présent veut que chacun supporte le grand fardeau" Un paysan, un membre du clergé et un soldat portant à trois le poids de la dette nationale. Caricature de la fin du 18eme siècle Paris, musée Carnavalet (Photo Josse / Leemage via AFP)

Point de vue

Quel que soit le prochain gouvernement aux manettes, il devra affronter d’incontournables réalités, qui gênent la droite comme la gauche.

Le Journal.info - 5 septembre 2025 - Par Sylvie Pierre-Brossolette

Tous amnésiques, ou aveugles ? C’est au choix. Dans le débat pour savoir qui doit succéder à François Bayrou et quel compromis doit être bâti pour éviter la dissolution, il est surtout question d’impôts et de justice sociale. Comme si l’essentiel n’était pas ailleurs. On peut discuter à l’infini du niveau souhaitable ou supportable (selon le point de vue) d’imposition des plus riches, il reste qu’augmenter la fiscalité ne suffira pas à répondre de manière durable aux sources de dépenses gigantesques qui sont devant nous, Elles sont aussi incontournables que désagréables pour qui, à gauche comme à droite, doit boucler un budget.

Le vieillissement de la population, le poids de la dette, la pression climatique, la guerre à nos portes : autant de défis qui, pour les relever, suppose d’importantes et croissantes dépenses. Chaque sujet suffirait à tourner au casse-tête pour boucler une loi de Finances. Mais leur addition donne le vertige. Impossible de continuer à mener le train de vie actuel ! Il faut cesser de mettre la tête dans le sable. Des choix devront être opérés, forcément douloureux.

Vieillissement de la population : chacun connaît l’évolution démographique, qui gonfle les effectifs des seniors et diminue la proportion des actifs, alors qu’aucun boom des naissances n’est en vue pour compenser ces tendances. Si l’on doit se réjouir que l’espérance de vie augmente, force est de constater qu’elle coûte très cher : les pensions de retraite pèsent déjà 14% du PIB et si rien n’est fait, cela va augmenter encore ; comme le coût des soins à prodiguer à des personnes de plus en plus âgées. Il faut désormais faire face aux besoins d’une société sur quatre générations !

Le poids de la dette : qu’on apprécie ou non François Bayrou, la vérité oblige à dire que le financement de notre endettement commence à être insoutenable. Le montant à payer des intérêts nous prive de l’équivalent du budget de l’Education nationale. Et plus on attend, plus cela montera. Ce n’est pas le FMI ou la BCE qui menacent. C’est le nœud coulant d’un poste de dépense qui croit inexorablement, au détriment de tous les autres. A commencer par l’aide aux services publics sinistrés.

Pression climatique : éternelle sacrifiée des coupes budgétaires, la transition écologique est pourtant un investissement indispensable à notre survie. Les engagements de la France, et le simple bon sens, commandent que des crédits conséquents lui soient consacrés. Chaque évènement dramatique dû au dérèglement climatique rappelle que l’inaction n’est pas une solution. Et si l’on veut que le respect de l’écologie ne soit pas ressenti comme punitif, l’effort financier à lui consacrer doit être conséquent.

Guerre à nos portes : face au retrait américain, l’Europe doit subvenir à ses propres besoins en matière de défense. Il faut assurer le financement de la guerre en Ukraine et des garanties d’une éventuelle paix. Il faut aussi monter en puissance pour faire sortir de terre une armée européenne. La France devra y consacrer des efforts importants dans les prochaines années, en passant des commandes pour s’équiper et stimuler l’industrie de défense. Cette dernière a besoin d’être certaine de voir ses contrats honorés avant d’augmenter sa production.

La liste de ces quatre « incontournables » n’est pas exhaustive. D’autres éléments pèsent objectivement sur nos équilibres budgétaires : notre taux global d’activité (le plus faible de l’OCDE, car nous entrons tard sur le marché du travail et en partons tôt) qui crée un manque à gagner pour les caisses de l’Etat et de la Sécurité sociale ; et un taux de prélèvement obligatoire, déjà élevé, difficile à augmenter encore sans provoquer de ras-le-bol (la ponction nette sur les entreprises au regard des multiples subventions qui leur sont versées reste par exemple plus élevée qu’en Allemagne ,10,4% du PIB contre 7,1%).

Le tableau de la situation s’imposera aux prochains dirigeants du pays. Il faudra donc du courage pour affronter les réalités. Et prendre à témoin honnêtement les citoyens, en cessant de leur promettre la lune. C’est sans doute le plus difficile. Car, en France, le premier qui dit la vérité est trop souvent exécuté…

sylvie Pierre Brossolette

Sylvie Pierre-Brossolette

Chroniqueuse