© Getty Images / Poignée de mains entre Ursula von der Leyen et Donald Trump, le 27 juillet 2025 à Tumberry en Ecosse.

Tribune

Dans l’histoire de l’Union européenne (UE), la date du 27 juillet 2025 restera marquée d’une pierre noire. Car c’est la date de sa capitulation économique face à l’Amérique. Dans cette « négociation douanière » et cet « accord », flagrante fut la soumission de la Commission européenne au diktat du président des Etats-Unis. Dans la forme, comme sur le fond.

Le Figaro - 29 juillet 2025 - Par Renaud Girard

Dans la forme, nous avons vu la Présidente de la Commission accepter de se faire sonner comme un domestique par Donald Trump, de quitter le territoire de l’Union européenne, de se rendre dans l’un de ses clubs de golf privés, situé qui plus est au Royaume-Uni, pays qui décida de faire un bras d’honneur à l’UE en 2016 et qui obtint de l’Amérique un accord douanier plus favorable. Je pense que c’est la première fois dans l’histoire que le drapeau solennel de l’Europe se retrouvait dans un club de golf et qu’il était autant humilié. Mme Ursula Von der Leyen se rend elle compte qu’elle est assise sur un siège important, naguère occupé par un homme aussi respectable que Jacques Delors ? La photo la plus grotesque de cette rencontre est celle où on la voit lever le pouce en même temps que Trump et les hommes de sa délégation.

On aurait volontiers pardonné à Mme Von der Leyen d’avoir été si accommodante dans la forme, si elle n’avait pas tout cédé sur le fond.

La réalité est que la présidente de la Commission a signé un accord inégal. Elle a tout donné et rien obtenu en échange.

Les droits de douane imposés par l’Amérique à l’UE vont augmenter de 2% à 15%, sans aucune mesure de réciprocité.

Certes, certaines exemptions ont été accordées par Washington, mais elles ne concernent que les produits dont les Américains ont absolument besoin, comme les machines néerlandaises ASML, qui sont les seules au monde à pouvoir produire les puces électroniques de dernière génération. N’aurait-il pas fallu au contraire se servir de ces produits, vitaux pour l’économie américaine, aux fins de forger un rapport de force avec Trump, comme les Chinois en ont construit un, en menaçant l’Amérique d’un embargo sur leurs terres rares ? Trump a toujours dit que le dollar était surévalué et que cela pénalisait les entreprises américaines à l’export. Depuis qu’il est revenu aux affaires, le dollar a baissé de 12,7% par rapport à l’euro. Un produit manufacturé européen, que ce soit une automobile allemande ou un parfum français, va désormais entrer sur le marché américain avec un enchérissement de 25% par rapport au début de l’année 2025. Quant aux services numériques américains vendus sur le Vieux Continent (Google, Netflix, Amazon, etc.), ils n’ont pas subi le moindre enchérissement. Tant mieux pour eux ! Pour notre infortune, Mme Von der Leyen ne s’est pas contentée d’aider Donald Trump à équilibrer sa balance commerciale avec l’Union européenne. Elle est allée beaucoup plus loin. Elle s’est littéralement jetée sur le toboggan de la soumission économique. Elle a promis que les Européens allaient acheter pour 750 milliards de dollars d’énergie américaine dans les trois ans. Mais elle ne nous a pas expliqué l’impact que cela aurait sur les objectifs de l’UE en termes de souveraineté énergétique, de coûts et de décarbonation. Ce qui est extraordinaire, c’est qu’elle a trouvé le moyen d’aller encore plus loin. Elle a promis 600 milliards d’investissements européens aux Etats-Unis, semble-t-il pendant son mandat. Fallait-il vraiment 120 jours de négociation pour un résultat aussi piteux ? Ces deux promesses, faites à l’Amérique, au nom de l’Union européenne, par la Présidente de la Commission, suscitent chez moi deux inquiétudes. La première est celle de très probables sanctions américaines au cas où ces engagements ne seraient pas remplis par l’Union européenne. Le chancelier d’Allemagne (pays qui vend beaucoup d’automobiles et de biens d’équipements à l’Amérique) s’est réjoui de l’accord du golf Trump Turnberry, au prétexte qu’il introduira davantage de stabilité dans les échanges commerciaux transatlantiques. Il est curieux qu’un homme aussi avisé que M. Merz n’ait pas songé à la possibilité d’une nouvelle salve de sanctions américaines. Il est par ailleurs très curieux que la Commission européenne ne concentre pas ses efforts à encourager les investisseurs européens à investir en… Europe. Ma seconde inquiétude est d’ordre institutionnel. De quel droit Mme Von der Leyen prend-elle de tels engagements en notre nom ? N’outrepasse-t-elle pas les pouvoirs que lui fixent le traité de Lisbonne ? N’aurait-elle pas besoin de lire pendant les vacances les traités européens, afin de revenir aux strictes responsabilités qui sont les siennes ? La France a condamné cet accord inégal. Mieux vaut tard que jamais. Mais n’eût-il pas été préférable que le président de la République française ne militât point en 2024 pour reconduire Mme Von der Leyen à son poste et surtout qu’il ne lui cédât point quand elle voulut évincer le commissaire français Thierry Breton, connu pour sa défense intransigeante des intérêts européens, notamment face aux GAFAM ?

girard carreRenaud Girard , journaliste et géopoliticien