Energy Observer
"Energy Observer" en 2019 dans l'archipel norvégien de Svalbarg, en Arctique. (Antoine Drancey/Energy Observer)

Transports maritimes

Lancé en 2017, le projet Energy Observer va franchir un cap cette année avec le lancement d’un navire de fret autonome et entièrement décarboné.

Ouest France - le 10 janvier 2022 - Par Nicolas CARNEC

« Les gens pensent que je suis toujours un skipper qui se balade autour du monde. Ce n’est plus le cas. Je suis aujourd’hui un chef d’entreprise à 80 % de mon temps. » Depuis 2017, année du lancement du projet Energy Observer à Saint-Malo (Ille-et-Vilaine), « un navire laboratoire démonstrateur zéro émission produisant son propre hydrogène », tout est allé très vite pour Victorien Erussard et ses équipes.

« Le Covid a tout changé et paradoxalement cela a donné une évolution incroyable au projet qui s’est fortement diversifié. J’ai été boosté par les partenaires. » À commencer par Sébastien Bazin, le PDG du groupe Accor, et Daniel Antoni, directeur général de Thelem assurances, qui « ont été des moteurs incroyables pour nous. Le tout avec rigueur, bienveillance et un accompagnement de tous les instants. »

« Décarboner le transport maritime »

Le vrai virage s’est donc produit en 2020. « On avait programmé le tour de l’Europe jusqu’en 2020 et le tour du monde de 2020 à 2024. Tous les contrats de partenariats se sont arrêtés avec la crise du Covid. » Il a donc fallu « cravacher pour convaincre nos partenaires d’aller au bout avec l’objectif de revenir à Saint-Malo en 2024, après les Jeux olympiques de Paris ».

Aujourd’hui, Energy Observer, c’est vingt-cinq salariés et un budget de 5 millions d’euros annuel. Sans compter l’activité de production industrielle de la société EODev, qui compte à elle seule soixante salariés.

Outre l’odyssée du trimaran Energy Observer, avec un équipage qui s’est « spécialisé avec des scientifiques en biologie marine, en énergies, en environnement », le projet a en effet considérablement évolué. « Nous avons développé une branche industrielle qui produit des générateurs électriques à hydrogène. »

Avec des applications de plus en plus concrètes. Un chantier de construction immobilière à Paris, alimenté exclusivement par un générateur EODev, et l’illumination de la tour Eiffel, en mai 2021, en sont des exemples.

Un navire de charge de 120 m de long

Mais l’objectif du capitaine Erussard est plus grand. « 3 % des gaz à effet de serre dans le monde proviennent du transport maritime », rappelle-t-il, avant d’annoncer « la construction d’Energy Observer 2, un navire de charge de 120 m de long avec une propulsion à hydrogène liquide et très certainement une aide vélique (voile) ».

En clair, l’application à l’échelle des cargos et du transport maritime des avancées prouvées par Energy Observer 1.

« On va aller au bout de la décarbonation avec ce navire, affirme Victorien Erussard. Nous n’utiliserons pas de e-carburant (GNL vert, carburant de synthèse). Nous allons développer les technologies et nous allons chercher à ce que le bateau parte en exploitation commerciale avec un armateur. Ce navire illustrera le transport maritime de demain. »

Un bureau d’études travaille déjà sur le dossier depuis quelques mois. « Les études vont se poursuivre en début d’année. On sort du cadre de l’expédition. On est sur la construction d’un navire de charge industriel. L’objectif est de mettre le bateau à l’eau en 2025. Il s’agira d’un cargo polyvalent pour du vrac, des containers… » Un navire qui sera en rupture technologique avec l’existant et qui permettra de « répondre aux objectifs 2050 de l’Organisation maritime internationale ».

Pour y parvenir, Victorien Erussard souhaite « réunir un consortium d’industriels français et européens de haut niveau dont certains sont déjà nos partenaires. L’idée, c’est de fédérer et fusionner tous les spécialistes du maritime, du ferroviaire, de l’aéronautique et de l’automobile autour de ce projet. » Une première levée de fonds pourrait intervenir au premier semestre 2022.