David Lisnard. © JEANNE ACCORSINI/SIPA

Réforme des retraites

Le maire Les Républicains de Cannes, David Lisnard, préconise d’injecter une part de capitalisation dans le système par répartition.

Le JDD - 29 janvier 2023 - Par Christine Ollivier

Vous défendez l’introduction d’une part de capitalisation dans le système des retraites. Pourquoi ?
C’est la meilleure solution pour garantir aux retraités un pouvoir d’achat supérieur à ce que permet le système par répartition, assainir les comptes publics et renforcer ­l’investissement dans les entreprises. Je pars d’un double constat : la ­capitalisation, ça existe déjà en France et à l’étranger, et ça marche ; et notre système par répartition est dans une impasse. Je le dis en ­particulier aux jeunes qui manifestent aux côtés des boomers : ils défendent un système qui, dans quarante ans, supposera que chaque actif verse plus de 1 000 euros par mois pour payer la pension des retraités. Parce que, avec l’évolution démographique, on passe de 6 actifs pour 1 retraité à la Libération à 1,7 aujourd’hui et à 1,2 dans quinze ans. Notre système de retraites, c’est une pyramide de Ponzi.

 

Comment fonctionnerait un système par capitalisation ?
Je propose de mettre en place un système hybride : garder un système par répartition qui garantirait une pension minimale de 1 200 euros, avec un complément par capitalisation. Sur 100 euros de cotisation, 68 euros financeraient le système par répartition, le reste étant capitalisé, au moyen d’un véhicule financier qui serait contrôlé par l’État et géré de façon paritaire. L’État, qui garantit aujourd’hui le système par répartition, en serait là aussi le garant.

 
 N’est-il pas contradictoire de pointer du doigt les dividendes record des entreprises et de refuser au peuple d’avoir accès à ces gains, tout comme les milliardaires ? 
 

La capitalisation n’est pas populaire en France…
Le terme de capitalisation est un épouvantail, mais il s’agit en réalité d’épargne et d’investissement. Et cela existe déjà. Il s’agirait simplement de la rendre obligatoire et collective. Le marché propose déjà de nombreux produits de placement pour la retraite, dont les rendements bénéficient aux plus riches, ceux qui ont la capacité d’épargner en plus de ce qu’ils cotisent. N’est-il pas contradictoire de pointer du doigt les dividendes record des entreprises et de refuser au peuple d’avoir accès à ces gains, tout comme les milliardaires ? C’est ça, le capitalisme populaire que je défends. Par ailleurs, cela permettrait d’assainir les comptes publics, car l’État serait avec le temps de moins en moins concerné par le financement de la retraite. Et l’épargne collectée non seulement viendrait renforcer l’investissement dans les entreprises, mais permettrait aussi de créer un fonds souverain et d’investir dans les défis de notre époque, notamment écologiques.​

 

Quid des risques liés aux fluctuations des marchés boursiers ?
L’expérience montre que, sur la durée, les rendements de la capitalisation sont plus élevés que ceux de la répartition, et ce malgré les krachs boursiers. D’ailleurs, il existe en France des systèmes qui fonctionnent, dans la fonction publique. La RAFP [retraite additionnelle de la fonction publique] a été créée en 2003. Son rendement annuel est de 5,6 %, malgré la crise des subprimes et le Covid. Certains régimes de retraite autonomes, comme celui des pharmaciens, ont aussi une part de capitalisation. Aux Pays-Bas, les fonds de pension ont un rendement de 6,2 %, net d’inflation, par an en moyenne. C’est énorme.

 Il faut mettre fin au sado-réformisme des retraites, où l’on voit toujours l’effort à produire, mais jamais le gain, individuel ou collectif 
 

En Suède existe un système équivalent à ce que vous proposez. Il est accusé d’avoir paupérisé une partie des retraités…
Ce qui ne marche pas en Suède, ce n’est pas la capitalisation, mais le système d’âge pivot, qui n’incite pas les assurés à cotiser assez longtemps. La capitalisation est une piste qui mérite d’être dans le débat. Il faut mettre fin au sado-réformisme des retraites, où l’on voit toujours l’effort à produire, mais jamais le gain, individuel ou collectif.​

 
 

Ne vous sentez-vous pas un peu seul sur ce terrain, y compris à droite ?
Il faut savoir mener des combats utiles au pays. En France, le capital, c’est forcément mal. Mais analysons ce qui marche et ce qui marche moins bien. La capitalisation, ça fonctionne, et la répartition va nous coûter de plus en plus cher. J’ai de plus en plus de retours de parlementaires, d’élus, de citoyens… On est en train d’amorcer un débat. Et des amendements ont été déposés à l’Assemblée nationale et au Sénat.

Éric Ciotti a-t-il raison de soutenir la réforme des retraites du gouvernement ?
Oui, parce que c’est cohérent et pertinent dans le système actuel. Et LR a obtenu des avancées sociales importantes. Ce qui est incohérent, et qui rend la colère populaire compréhensible, c’est la position du gouvernement. Au moment où il demande aux Français de travailler deux ans de plus pour trouver 10 milliards d’euros pour les retraites, il distribue les chèques à tour de bras. Il y a même un chèque pour le covoiturage ! C’est open bar sur l’argent public.