Énergie

Atteindre en 2050 la décarbonation de nos énergies va demander une électrification massive du pays.

Atlantico - 5 avril 2023 - Par Gérard Buffière et Bernard Kasriel

Atteindre en 2050 la décarbonation de toutes nos énergies actuellement utilisées (électricité mais aussi pétrole et gaz) exige une électrification massive du pays : transports, chauffages, mais aussi process industriels.

Lancée vers le même objectif, l’Allemagne prévoit un doublement de sa consommation électrique d’ici 2045.

Dans son « scénario de référence » RTE prévoit une augmentation de 38%de nos besoins d’électricité (il faudra ultérieurement comprendre les raisons d’un tel écart avec l’Allemagne)

M. Macron a annoncé la prolongation aussi longtemps que possible de notre capacité nucléaire actuelle et la construction de 6 EPR2 d’ici 2050. La construction massive évoquée de SMR (Small Modular Reactors) encore au stade du bureau d’études, est peu probable d’ici à 2050.

Ce programme nucléaire ne suffira pas à satisfaire l’augmentation prévue de nos besoins et il faut donc construire de nouvelles capacités.
Nous avons vu que la construction de capacités éoliennes et solaires seules n’ajoutait pas de puissance garantie. Il faut donc construire de nouvelles capacités à puissance garantie en complément.

Si ces nouvelles capacités sont nucléaires, il est totalement inutile, comme on l’a expliqué, de construire des capacités éoliennes ou solaires, puisque le nucléaire est décarboné.

Si pour diverses raisons, dont le calendrier et les capacités de travail d’EDF, cette hypothèse est exclue, la capacité à puissance garantie nécessaire ne pourra consister qu’en centrales thermiques au gaz.

Vous avez bien lu, pour décarboner nos énergies, nous allons devoir construire des centrales au gaz !

Résumé Exécutif de « Futurs énergétiques 2050 », publié par RTE, le confirme avec cependant beaucoup de timidité.
Dans le tableau synthétique des différents scénarios, chaque source d’électricité a droit à une colonne bien lisible ; il faut chercher dans une dernière colonne libellée « Flexibilités » pour trouver, parmi d’autres, la mention de « Nouveau thermique décarboné »

Et ce n’est qu’à la page 34 sur 66 que l’on trouve le besoin clair de centrales thermiques. Bien sûr, RTE prévoit qu’elles tourneront peu et seront alimentées en biogaz. Comme ce même biogaz doit aussi remplacer le gaz naturel que nous importons, on voit mal comment les ressources potentielles en biogaz, évaluées par l’ADEME, pourront à terme répondre à ces considérables besoins.

(Le biogaz est aujourd’hui issu principalement du traitement de déchets végétaux, animaux et de certains déchets ménagers, ressources par nature limitées)

L’Allemagne qui va construire une forte capacité de nouvelles centrales thermiques prévoit qu’elles fonctionneront au gaz naturel…avec la possibilité qu’elles passent un jour à l’hydrogène.

Même si la perspective de construire de nouvelles centrales au gaz va surprendre et, sans doute, choquer l’opinion publique, il ne servirait à rien, sinon à se ruiner, de construire des capacités éoliennes ou solaires supplémentaires sans lancer en même temps la construction des centrales thermiques nécessaires.

Tout ce chemin a un coût élevé, difficile à détailler ici, et sur lequel on trouve beaucoup d’évaluations différentes.
On peut en prendre conscience en comparant puissance installée et puissance garantie en France et en Allemagne à la fin de 2021.

En déduisant pour la France la puissance éolienne et solaire, dont on a vu qu’elle ne contribuait en rien à la réduction de nos émissions, la puissance installée représente 1,06 fois le besoin de pointe.
Pour l’Allemagne, en déduisant la capacité nucléaire qui sera arrêtée en 2023, la puissance installée représente 2,8 fois le besoin de pointe.

Ces augmentations de capacité, mais surtout ce bouleversement des sources de production entrainent d’énormes besoins de construction de lignes électriques de transport et de distribution.
Le coût de ces lignes est du même ordre de grandeur que l’investissement en moyens de production d’électricité.  

Ainsi dans le « mix à l’Allemande », il faudrait investir en moyens de production et en lignes électriques de transport près de trois fois plus que dans le « mix à la Française »

Est-ce vraiment le modèle vers lequel nous voulons aller ?