Sous Silvio Berlusconi, leader populiste par excellence, l'Italie n'a pas connu d'éclaircie économique. (Augusto Casasoli/A3-Contracto REA)

Économie

Une étude de trois chercheurs allemands, portant sur 51 épisodes de populisme depuis 1900, montre que les conséquences économiques de l'arrivée au pouvoir de démagogues de gauche ou de droite sont néfastes en termes de PIB par habitant.

Les Echos - 17 juin 2024 - Par Guillaume de Calignon

Il est peu probable que l'argument économique dissuade les électeurs de voter pour des partis populistes. Et pourtant, selon une étude réalisée par trois universitaires allemands travaillant à l'institut de Kiel sur l'économie mondiale et publiée dans l'une des plus prestigieuses revues scientifiques d'économie, l'American Economic Review, en décembre dernier, les populistes au pouvoir n'aident pas l'économie. La conclusion est claire : « les gouvernements populistes ont des conséquences négatives pour l'économie », écrivent Manuel Funke, Moritz Schularick et Christoph Trebesch.

Moins de PIB par habitant

Les trois économistes ont étudié 1.500 gouvernements dans une soixantaine de pays développés et de pays émergents entre 1900 et 2020. Pour eux, 51 cas étudiés répondent à la définition qu'ils donnent du populisme. Un leader est considéré comme populiste s'il divise la société en deux groupes : « le peuple » en tant que majorité souffrante, intrinsèquement bonne, vertueuse et authentique contre « les élites », minorité corrompue et égoïste qui s'est accaparé le pouvoir. C'est l'étude des publications passées de chercheurs qui permet de trancher chaque cas.

Des partis de droite ou de gauche peuvent donc être concernés. Ainsi, en 2018, Benjamin Netanyahou en Israël, Rodrigo Duterte aux Philippines, Recep Tayyip Erdogan en Turquie, Nicolas Maduro aux Venezuela, Narendra Modi en Inde, Evo Morales en Bolivie, Jacob Zuma en Afrique du Sud, Viktor Orban en Hongrie ou encore Donald Trump aux Etats-Unis sont des « populistes » selon les trois économistes. C'est d'ailleurs cette année-là que la planète comptait le plus de populistes au pouvoir.

Selon les trois chercheurs, au cours des cinq premières années de populistes à la tête d'un pays, il apparaît que la croissance du PIB par habitant est inférieure de 0,6 point par an par rapport à ce qu'elle aurait été avec un gouvernement qui aurait mis en place une autre politique économique. Sur quinze ans, la différence atteint 1 point de PIB par habitant chaque année. On peut alors parler de « stagnation populiste économique ».

Quant à la dette publique, elle est supérieure de 10 points de PIB après quinze ans de populisme.

C'est avec le temps que les aspects négatifs apparaissent. En effet, les trois premières années, la performance n'est pas substantiellement différente. Mais, les chercheurs signalent que « les populistes réussissent à survivre au pouvoir et le quittent souvent de manière dramatique ».

Un affaiblissement des institutions préjudiciable

Pourquoi les populistes échouent-ils à augmenter le niveau de vie des gens ? D'abord parce qu'ils se focalisent sur la croissance à court terme plutôt que de chercher à construire une prospérité à long terme. Ensuite parce que les démagogues ont tendance à négliger les risques inflationnistes. Enfin, la démocratie, l'Etat de droit et les protections juridiques sont essentiels pour le bon fonctionnement de l'économie de marché, pour faciliter les investissements et donc pour la croissance économique à long terme.

Les institutions sont en effet primordiales pour la confiance. Or, « pour mettre en oeuvre la « volonté du peuple », les populistes ont tendance à affaiblir les institutions, à limiter les droits des minorités, à modifier les règles constitutionnelles et électorales en leur faveur et à réprimer l'opposition politique », soulignent Funke, Schularick et Trevesch.

Comme « la force motrice de la politique populiste est la faiblesse des institutions démocratiques », montre Daron Acemoglu, professeur d'économie au MIT à Boston, dans une étude de 2011 , c'est un cercle vicieux dont il est difficile de se sortir qui se met en place. D'ailleurs, dans l'autre sens, un pays qui va vers la démocratie décolle sur le plan économique. Dans d'autres travaux datant de 2019 , Daron Acemoglu prouve que, 25 ans après l'arrivée de la démocratie, un pays a, en moyenne, augmenté son PIB par habitant de 20 % de plus que sans gouvernement élu. En résumé, la démocratie est bonne pour le niveau de vie des gens, sauf quand les populistes sont élus.