Bruno Le Maire, le ministre des Finances, à l'Assemblée nationale, le 12 octobre 2022.Sipa Press

Économie

L’exécutif et le Sénat seraient prêts à toper sur une trajectoire budgétaire plus rigoureuse.

L'Opinion - 6 décembre 2022 - Par Raphaël Legendre

Les faits -

Bruno Le Maire a rendez-vous mardi avec les rapporteurs généraux du budget de l’Assemblée et du Sénat pour négocier les voies de passage d’un vote de la loi de programmation des finances publiques. Selon nos informations, l’exécutif est prêt à amender sa copie en renforçant le quantum d'économies sur le quinquennat. Les sénateurs réclament une quinzaine de milliards supplémentaires, Bercy refuse de faire plus de dix.

Les négociations budgétaires touchent à leur fin. Sénateurs et députés ont rendez-vous mardi soir pour une commission mixte paritaire (CMP) qui ne sera probablement pas conclusive sur le projet de loi de finances (PLF). Le budget repartira donc jeudi à l’Assemblée nationale pour une discussion générale à l’issue de laquelle sera rapidement annoncé un huitième 49.3. Que retiendra le gouvernement de l’examen parlementaire dans sa copie finale ? Tout va dépendre d’une ultime réunion mardi après-midi entre Bruno Le Maire et le rapporteur général LR du budget au Sénat, Jean-François Husson, avant la CMP attendue à 21 heures.

Selon nos informations, un accord important pourrait être trouvé non pas sur le PLF mais sur la loi de programmation des finances publiques (LPFP). Moins médiatique que le budget, cette dernière n’en est pas moins importante : c’est elle qui grave dans le marbre législatif la trajectoire budgétaire sur cinq ans. Si elle n’est jamais respectée, elle reste néanmoins un référentiel important pour Bercy et surtout pour la Commission européenne afin de mesurer la dérive des comptes publics au fil des ans par rapport à la promesse originelle. C’est justement cette dernière que les sénateurs tentent d’améliorer depuis des semaines.

Ligne rouge. La trajectoire de rétablissement des comptes publics voulue par Emmanuel Macron est parmi les moins ambitieuses des pays européens. Le retour sous les 3 % du PIB de déficit n’est pour l’heure prévu qu’en 2027, alors qu’une majorité de nos voisins y arriveront entre 2023 et 2025. Par ailleurs, l’effort en matière de dépense porte principalement sur les collectivités locales. Une ligne rouge pour les sénateurs — les prochaines sénatoriales arrivent dans moins d’un an, en septembre 2023 — qui ont réclamé une meilleure répartition entre Etat et collectivités et une accélération du rétablissement des finances publiques.

Plusieurs sources ont rapporté à l’Opinion qu’un accord pourrait être trouvé sur un effort annuel en dépense de 0,3 point de PIB hors inflation, qui apporterait une petite quinzaine de milliards d’économies supplémentaires d’ici à 2027. Résultat : les 3 % de déficit pourraient arriver un an plus tôt, en 2026, avec une répartition plus égalitaire entre Etat et collectivités, et surtout non contrainte,comme l’a annoncé Elisabeth Borne au congrès des maires de France il y a quelques jours.

D’apparence technique, ces discussions pèsent lourd financièrement

Cet effort supplémentaire est très éloigné des 37 milliards réclamés par le Sénat en première lecture. Mais même divisé par deux, il reste trop important pour Bercy. « On ne va pas s’engager sur une trajectoire qu’on ne va pas respecter », glisse un conseiller. Certains, dans les couloirs du ministère, évoquent une dizaine de milliards maximum. Tout va se jouer entre les rapporteurs du budget et le ministre des Finance cet après-midi.

Concessions. En contrepartie de cet assouplissement, les sénateurs réclament quelques concessions sur le projet de loi de finances, notamment une réforme du Fonds de compensation de la TVA (FCTVA) des collectivités pour qu’il prenne à nouveau en compte les dépenses d’aménagement de terrain dans les exonérations partielles, une simplification des modalités d’attribution pour le filet de sécurité de 1,5 milliard d’euros des collectivités face à la crise énergétique et des précisions sur les modalités de compensations sur la CVAE. « Si l’exécutif nous claque la porte au nez, il ira au-devant de graves difficultés, prévient Jean-François Husson. On risque l’immobilisme si le gouvernement n’écoute pas le Parlement ».

D’apparence technique, ces discussions pèsent lourd financièrement. De l’adoption de la LPFP dépend le remboursement des investissements tricolores engagés en 2022 dans le cadre du plan de relance européen, REPowerEU. La France est éligible à environ 13 milliards d’euros de remboursements européens, si et seulement si elle respecte les engagements du contrat signé avec la Commission européenne. Parmi ces engagements, l’adoption d’une trajectoire budgétaire.

Officiellement, la France a jusqu’au 15 décembre pour déposer son dossier et faire la demande de remboursement pour 2022. Si elle n’y arrive pas, pas de panique, elle aura la possibilité de faire deux demandes de remboursement l’année prochaine, pour 2022 et 2023. Mais l’adoption d’une trajectoire faciliterait les choses avec la Commission. Sauf changement de dernière minute, la commission mixte paritaire sur la LPFP se tiendra jeudi.