Comme la France, la majorité des pays de l'OCDE taxent davantage les revenus du travail que les revenus du capital. (Shutterstock)

Fiscalité

La France taxe très fortement les plus hauts salaires, relève une note du site spécialisé Fipeco. Les dividendes y sont également fortement imposés.

Les Echos - 3 octobre 2023 - Par Sébastien Dumoulin

 

Comment la France taxe-t-elle ses riches ? Difficile de trouver un sujet plus polémique. Une note du site spécialisé Fipeco , publiée ce mardi et s'appuyant sur une étude de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), apporte sa pierre au débat, avec un comparatif international éclairant.

Elle se penche sur les impôts et taxes payés par une personne célibataire gagnant 20 fois le revenu moyen de son pays - soit sous forme de salaire, soit sous forme de dividendes. Il en ressort que l'Hexagone taxe très fortement les plus aisés, comparativement à la quarantaine de pays de l'OCDE.

Vice-champion de l'OCDE

Pour parvenir à ce résultat, l'étude se penche sur les impôts payés à la fois par l'individu et par l'entreprise qui lui verse ces revenus. Dans le cas d'un salaire par exemple, cela inclut l'impôt sur le revenu et les cotisations salariales, mais également les charges patronales. De la même façon, pour un revenu touché sous forme de dividendes, le calcul intègre les taxes sur les coupons perçus, ainsi que l'impôt payé en amont par l'entreprise sur ces mêmes bénéfices, avant leur distribution.

Avec cette méthode, un salarié français payé 64.000 euros brut par mois (soit 20 fois le revenu moyen) se voit prélever 64 % de ses gains sous forme de cotisations sociales et d'impôt. La France arrive ainsi sur la deuxième marche du podium de l'OCDE, uniquement devancée par la Belgique (qui ponctionne 67 % des salaires).

Tous les autres pays taxent moins les revenus du travail, qu'il s'agisse du Royaume-Uni (52 %), de l'Italie (50 %), de l'Allemagne (47 %) ou des Etats-Unis (44 %).

« Non seulement la France a les taux de taxation parmi les plus élevés pour les salaires, mais c'est également vrai pour les dividendes », souligne François Ecalle, ancien magistrat de la Cour des comptes et fondateur de Fipeco. Le taux d'imposition effectif pour un Français percevant 64.000 euros toujours, mais sous forme de dividendes cette fois, atteint 51 % (en incluant l'impôt sur les bénéfices payé par l'entreprise avant versement du dividende). Il n'y a que trois pays dans l'OCDE à être plus gourmands : le Canada, le Danemark et l'Espagne.

« Flat tax »

« Il est vrai que la France taxe davantage les salaires que les dividendes », relève François Ecalle. Le différentiel atteint 13 points pour un célibataire gagnant 64.000 euros brut - qui a donc tout intérêt à toucher des dividendes plutôt qu'un salaire. On peut toutefois remarquer qu'à l'international, c'est loin d'être une exception : 26 des pays de l'OCDE offrent une taxation plus avantageuse aux revenus du capital. Le différentiel tourne même autour de 20 points dans les Pays baltes, en Grèce ou en Belgique.

Certes, plusieurs grandes économies font le choix inverse : les Etats-Unis, l'Allemagne ou l'Espagne imposent plus fortement les dividendes que les salaires. « Mais notre taux d'imposition effectif du capital est déjà au top niveau, je ne suis pas sûr que la conclusion soit qu'il faille l'augmenter », sourit François Ecalle.

La remarque fait notamment écho à la proposition, avancée dans un récent rapport parlementaire sur la fiscalité du patrimoine, de relever la « flat tax » tricolore de 30 à 33 %.

Ultrariches ou riches ordinaires

Les chiffres de l'OCDE permettent aussi de relativiser un peu le constat alarmant sur la dégressivité de l'imposition pour les plus riches, mis en avant dans une étude très médiatisée de l'Institut des politiques publiques au printemps dernier. Les chercheurs y expliquaient que les milliardaires français étaient très faiblement imposés , grâce à la structure particulière de leurs revenus.

Cette conclusion apparemment antagoniste aux chiffres de l'OCDE tient à ce que l'IPP s'intéressait à quelques dizaines d'ultrariches - et non aux riches « ordinaires » qu'ausculte Fipeco. Les premiers contrôlent des sociétés et peuvent, comme le soulignait l'IPP, décider de stocker des bénéfices dans des holdings sans jamais les distribuer pour éviter d'être imposés. « Mais la plupart des actionnaires ne contrôlent pas la distribution des bénéfices de l'entreprise », argumente François Ecalle, pour qui l'approche de l'OCDE est « plus pertinente ». Et sa conclusion sur la forte imposition des plus aisés, globalement plus juste.

Sébastien Dumoulin