Tribune
En imposant une purge à son parti, le leader de la France Insoumise ébranle la coalition de gauche tout juste mise sur pieds. Celui qui demandait l’union est désormais son principal handicap.
LeJournal.info - 15 juin 2024 - Editorial par Laurent Joffrin
Mélenchon le fait-il exprès ? Ou bien laisse-t-il seulement parler sa nature profonde ? Veut-il consciemment nuire au Front populaire à peine constitué ? Ou bien juge-t-il essentiel, tel un parrain de la mafia, de régler ses comptes avec ceux qui lui ont manqué ? Toujours est-il que l’épuration qu’il vient de pratiquer en éliminant des investitures LFI Garrido, Simonnet, Corbière et quelques autres frondeurs de LFI est évidemment un désastre d’image pour la coalition de gauche.
Le tweet le plus terrible est celui de Clémentine Autain : « à la France insoumise, a-t-elle écrit, il vaut mieux avoir été condamné pour violences conjugales que d’avoir défendu la démocratie, manifesté contre l’antisémitisme après le 7 octobre et plaidé pour l’union des gauches et des écologistes ». Reproche implacable : Mélenchon fait l’union officiellement, mais sanctionne les plus unitaires en interne ; et surtout, il punit ceux qui ont eu le réflexe de manifester contre la haine anti-juive malgré les consignes du chef. Comment mieux accréditer les accusations de complaisance envers l’antisémitisme qui lui sont régulièrement adressées ?
Dans cette coalition, qui rencontre les suffrages du « peuple de gauche », comme le montrent les manifestations d’aujourd’hui, la faille, le talon d’Achille, le boulet, c’est le chef de la France insoumise. Déjà une partie des électeurs de Raphaël Glucksmann ont retiré leurs billes et se demandent s’il ne vaut pas mieux, après tout, voter pour la macronie, en dépit de toutes les déceptions endurées. C’est tout le pari d’Emmanuel Macron, qui table sur l’éclatement des camps adverses. C’est la force du RN, qui oppose aux soubresauts de ses adversaires une sérénité calculée, propre à solidifier son large socle et s’assurer le report des voix de droite au second tour. Phénomène désormais bien connu : Mélenchon devient l’auxiliaire de Le Pen ; et plus LFI est présente, moins la gauche fait de voix.
Les écologistes, les socialistes, les communistes, s’accordent apparemment pour soutenir les exclus de LFI en dépit des oukases de Jean-Luc Mélenchon. La moindre des choses. Pour convaincre de leur bonne foi, ils devront aller plus loin : déclarer haut et fort, dans l’hypothèse improbable d’une victoire du Front populaire, qu’en aucun cas celui-ci ne sera Premier ministre ; s’arranger, d’une manière ou d’une autre, pour démontrer que LFI ne dirige en rien la coalition et que la gauche démocratique a le dessus. Faute de quoi tout est possible : le redressement de Macron, ou la victoire du RN. L’union est un combat, disait-on naguère. Oui : un combat contre Mélenchon.
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