Économie
L’ancien économiste en chef du Fonds monétaire international (FMI), néo-kéynésien, social-démocrate assumé, juge le programme commun de la gauche « pire » que celui du Rassemblement national. Il conduirait selon lui à une « catastrophe économique »
L'Opinion - 21 juin 2024 - Par Marc Vignaud
C’est une sortie qui ne passe pas inaperçue. L’ancien économiste en chef du Fonds monétaire international, qui avait critiqué les effets de l’austérité à la suite de la grande crise financière de 2008, a fait une sortie en anglais sur X (ex-Twitter), le jour même de l’annonce du chiffrage commun du programme économique du Nouveau Front populaire, vendredi. Olivier Blanchard estime qu’il est « pire que le programme économique du Rassemblement national », qu’il avait déjà vertement critiqué, avec son compère Jean Tirole, prix Nobel français d’économie, dans le magazine Le Point. « Comme les précédentes expériences, il ne peut que mener à une catastrophe économique », assène-t-il, le qualifiant de « dangereux ».
Le programme du Nouveau Front populaire est d’une autre sorte, considère Blanchard. Avec une forte hausse des tranches supérieures de l’impôt sur le revenu, une taxation de l’héritage jusqu’à 100 % au-dessus de 12 millions d’euros ou bien encore le retour de l’ISF, « il est difficile de voir comment cela ne va pas conduire les entrepreneurs à déplacer en masse leurs opérations ailleurs », prévient-il d’abord.
Quant à la hausse du smic à 1 600 euros contre moins de 1 400 euros actuellement, qui influence toute l’échelle des salaires, elle devrait déclencher « une hausse majeure du coût du travail pour les entreprises ». Le Front populaire espère que le bond de pouvoir d’achat qui en découlera garnira les carnets de commandes, ce qui stimulera la production. « En tant que social-démocrate, commente Blanchard, je crois à l’égalité des chances, l’amélioration de l’éducation, en la redistribution de revenus des riches vers les pauvres ». Mais, il ajoute aussitôt qu’en tant qu’économiste, il sait qu’il y a « un équilibre délicat entre la réduction des inégalités et le maintien d’une croissance forte ». Pour lui, le programme du Front populaire « ignore cet équilibre. Voilà pourquoi il conduirait, à son sens, à « une catastrophe économique». Ce que beaucoup d’économistes keynésiens pensent tout bas.
« Comme pour le programme du Rassemblement national, on nous murmure de ne pas nous inquiéter, que le programme ne sera pas appliqué. Je suis sceptique. Ce programme s’engage à prendre des mesures spectaculaires dans les 15 premiers jours et il est difficile d’imaginer qu’ils se renient là-dessus, conclut Blanchard. Dans tous les cas, un programme moins mauvais serait toujours très mauvais. »
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