L'émergence de la dimension extérieure dans la construction européenne :
entre sécurité nationale et souveraineté.
Par Henry d'Arcole - octobre 2014
Les crises sur fond de scepticisme que connaissent actuellement les 28 États européens trouvent leurs origines dans la manière dont a été construite l'Union européenne au cours des vingt dernières années, et dont les compétences de la Commission ont été élargies. Les obligations européennes issues des traités qui s'imposent aux États membres réduisent leur droit souverain sans pour autant créer une contrepartie réelle justifiant ces abandons de souveraineté et pouvant sauvegarder les "intérêts essentiels" ou "stratégiques" de chacun des États membres. Aussi, le point de non-retour semble être atteint sans être à l'abri d'une rupture car la finalité du projet européen lui-même est remise en cause, voire contestée.
Entre la finalité intérieure (construction du marché unique) qui a occulté le risque de "guerre économique" mondiale perçue dès 1991 et le poids croissant d'une double contrainte extérieure (globalisation et émergence d'une économie de l'information), le concept de la "sécurité nationale" appliqué à l'Union européenne n'a pas reçu la place qu'il mérite, et donc n'a pas pu modifier sa perception traditionnelle (protection du secret et besoin d'en connaître) en vue de la défense des "intérêts européens". Pis, au cours des dix dernières années, le projet européen s'est fragilisé en poursuivant inexorablement son élargissement et son intégration (malgré les référendums de 2005 ou la frilosité de l'Irlande, voire du Royaume Uni), et en refusant toute initiative institutionnelle pouvant introduire des éléments de nature politique relevant de la souveraineté nationale (exemples de la zone euro, de l'espace Schengen ou de la défense et de la sécurité de nos intérêts) dont la préservation est fondamentale.
Malgré l'énoncé de la stratégie de Lisbonne (2000), sous la menace hyper concurrentielle et l'asymétrie du volet externe de la construction européenne, la compétitivité européenne vacille : si une économie ouverte n'exclut pas une approche plus globale de la sécurité, il s'agit de dépasser ce qui a été le moteur interne de la construction européenne, de réconcilier le droit de la concurrence avec "l'intérêt européen" et de construire un pôle de puissance en réévaluant la dimension extérieure de la construction européenne et en mettant en œuvre une stratégie d'influence opérationnelle ou proactive (un des aspects de l'intelligence économique) au service des entreprises, tout en soulignant ses propres standards (cf. les domaines juridique et fiscal illustrés, entre autres, par les dossiers BNP-Paribas, Crédit suisse ou Google), notamment dans le cadre actuel des négociations transatlantiques (création d'une zone de libre-échange appelée TAFTA ou TTIP).
Les États membres qui représentent le pouvoir constituant de l'Union ne doivent pas s'affranchir de leurs prérogatives au profit d'une Commission qui n'est qu'une administration : les États peuvent définir des objectifs européens en termes de "sécurité globale européenne", dont la sécurité économique, non pas versus mais avec une sécurité rattachée aux "intérêts essentiels" de chaque État national membre, incluant une base minimale (ou "intérêt invariant") en lien avec la consolidation de leur BITD dans le respect de deux principes, celui de la subsidiarité en interne et celui de la réciprocité en externe, et selon une méthode de management reconnue, la gestion déléguée. C'est possible, mais c'est d'abord et avant tout une question de volonté et de responsabilité politiques que la France peut porter, avec d'autres pays (Allemagne, Royaume Uni, etc.).
A l'inverse des États-Unis, la prise de conscience par la Commission européenne a été trop tardive (2005) en raison de son obsession à se substituer aux administrations nationales par une action centrée sur le marché intérieur et la sécurité des consommateurs, occultant la défense "des intérêts essentiels des États membres", mais sans jamais pouvoir adopter une posture politique. L'avènement de l'économie numérique (c'est-à-dire d'un nouveau paradigme économique opposé aux anciens fondements qui datent de l'ère industrielle, aménagés aux lendemains de 1945) a modifié cette perception, devenue plus aiguë depuis la crise financière de 2008. Dès lors, la crise devient une opportunité pour redéfinir la gouvernance européenne par les États membres et assurer le passage à la supranationalité autour d'un dénominateur commun de nature régalienne : ce serait la "sécurité européenne", la sécurité étant l'un des attributs de toute souveraineté – avec son volet économique incluant la protection et la défense de ses "intérêts essentiels" – autour de deux axes stratégiques, le premier grâce à un relatif interventionnisme en faveur d'un développement ouvert, équilibré et compétitif (incluant le principe de réciprocité et la protection du secret des affaires), le second autour d'une stratégie d'influence à partir de réseaux interactifs capables d'accéder aux informations utiles (dont l'assurance-crédit type Euler Hermès ou Coface) pour préparer les entreprises vers la conquête de nouveaux marchés et encourager ou renforcer l'innovation, la création d'entreprises et la compétitivité des entreprises européennes.
Jusqu'ici l'Union européenne s'était assurée de préserver les États dans la voie d'abandons partiels de souveraineté en mettant l'accent sur des transferts de compétences pour édifier une politique commune des prix en interne (agriculture), de tarifs communs à l'extérieur, d'indépendance énergétique (énergie nucléaire civile). Avec l'émergence de la dimension extérieure en termes de sécurité économique et de maintien de la compétitivité sur lesquelles a échoué la Commission européenne, c'est le noyau dur de la souveraineté nationale qui est atteint : il est d'autant plus menacé que pourraient être fragilisées les "conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale", le principe fondamental de souveraineté, quelle que soit l'évolution de la jurisprudence constitutionnelle, continuant à l'emporter sur les engagements moins internationaux qu'européens. La défense et la sécurité en tant qu'instruments privilégiés de la souveraineté nationale assurent l'intégrité du territoire et la vie de la population, et c'est donc aux États membres de reprendre l'initiative dans ces domaines et d'organiser un régime juridique de protection (comparable aux États-Unis) qui peut placer le barycentre sécuritaire entre, d'une part, les droits et obligations nés des directives européennes (sous l'influence du droit de la concurrence), et, d'autre part, la prise en compte des "intérêts essentiels" de chaque État membre dont la somme cumulée n'est pas forcément égale aux "intérêts essentiels" de l'Union européenne qui restent à définir.
Ce serait le troisième pilier favorisant le passage à la supranationalité (premier pilier : l'euro, la discipline budgétaire et la réforme bancaire ; deuxième pilier : la coopération Schengen renforcée dans le domaine de la sécurité intérieure ou des affaires intérieures et de la justice). Avec pour premières étapes : la définition d'un "secret des affaires" ou "secret industriel" englobant la PPST afin de sécuriser les avantages économiques européens et de contenir l'incidence croissante de l'extraterritorialité de réglementations nationales portée par la prise en considération d'intérêts sécuritaires d'un Etat ; l'établissement d'un cadre approprié de l'outil opérationnel européen et des instruments nécessaires à une stratégie d'influence (avec une évaluation continue des besoins de sécurisation, comparée à d'autres pays concurrents tels les États-Unis, la Chine, l'Inde, la Russie, etc.) ; et le renforcement de l'intelligence économique opérationnelle (IE) sur le plan européen offrant à la Commission de nouveaux pouvoirs souverains délégués sans pour autant devenir un État souverain ce que l'Union ne peut être en l'état (une sorte de gestion déléguée à l'envers, les États nationaux restant l'autorité de gestion déléguée en matière d'intelligence économique car souverains dans leur communauté du renseignement).
Ce dénominateur commun de défense (ou de sécurité) des "intérêts essentiels" de l'Union européenne participerait à la promotion d'une IES (intelligence économique stratégique) européenne, et constituerait ainsi un autre volet supranational avant de franchir l'étape de la formation d'une Union supranationale ou fédérale souveraine.
Le rejet de la Constitution par référendum organisé en 2005 en France (55% de votes négatifs), aux Pays-Bas (56%) et au Luxembourg (61%) n'a non seulement ni été clairement expliqué, ni bien compris par l'exécutif européen qui s'inquiète aujourd'hui de la montée des extrêmes dont les origines seraient liées "à la menace populiste et à la propagation d'idées contraires aux idéaux de la construction européenne" (Herman Van Rompuy, avril 2012), et ce dernier de poursuivre : "Malheureusement, les vents du populisme menacent une des grandes réalisations de l'intégration européenne : la libre circulation des personnes au sein de l'UE", tandis que le président du Parlement européen, Martin Schulz (SPD), lançait : "L'ultra nationalisme (...) est une vraie menace pour l'idée européenne", mais lucide : "L'Union est dans un état lamentable. Comme le dit Wim Wenders, "l'idée européenne est incontestée, mais l'idée est devenue l'administration et les gens prennent l'administration pour l'idée". Je compte donc changer l'administration, pas l'idée. Avec la grande coalition allemande, François Hollande en France, Enrico Letta en Italie et les petits États membres, on a une fenêtre d'opportunité pour rééquilibrer l'Union. » (11 mars 2014). Il s'agirait d'une Europe moins intergouvernementale, moins tendance austérité, moins normative, et forcément plus sociale dans une interprétation sociale-démocrate (plutôt nordique que socialiste à la française) ou sociale-libérale. Deux interprétations, deux vérités – à moins que les deux s'apostrophent – : excès de populisme ou rejet de la Commission ?
Si le "non" l'a emporté aux référendum de 2005, et si aux dernières élections européennes (24-26 mai 2014) les partis aux extrêmes ou eurosceptiques ont accru leur représentation de près de la moitié du nombre de députés (passant de 20,3% à 30,4% du nombre total des députés, le PPE et les S&D réunis passant de 470, ou 61,3%, à 397 députés, soit 52,8% des députés), cet euroscepticisme n'est pas un "non" à l'Europe, à l'idéal européen ou à la construction européenne, mais un "non" à la Commission européenne, à la manière dont celle-ci conduit avec certitude ses différentes politiques (et notamment, sous couvert de l'art. 49 du TFUE, les élargissements successifs , dont le dossier de la candidature de la Turquie déposé en 1987 , sujet de controverse majeur et régulièrement activé malgré l'opposition d'une grande majorité d'Européens ; ou la question de l'Ukraine manifestée par son refus de signer en janvier 2014 l'accord d'association avec l'Union européenne ) incapable de garantir les frontières et les actifs de l'Europe, d'assumer le principe de réciprocité (notamment avec les États-Unis sur des dossiers juridiques comme celui des sanctions contre l'Iran, ou certains pays émergents), de protéger la diversité de ses cultures ou la mise en réserve de ses marchés publics a minima pour les PME-PMI européennes, etc. : c'est moins "l'épuisement financier du système social" ou la crise économique qui ont exacerbé le "doute européen" (et/ou les inégalités sociales) que la priorité sans faille donnée par "l'administration" (la Commission européenne) à la dimension interne de la construction européenne au nom d'idéaux sans véritable projet politique .
Car si les questions de sécurité sont de plus en plus souvent traitées par l'Union européenne, la Commission européenne s'invite de manière croissante par le droit (adoption de directives, textes ou normes, etc.) dans les prérogatives des États membres et intervient tout autant dans leurs politiques publiques internes en raison des impératifs de sécurité pour les populations européennes (sécurité économique des consommateurs, sécurité alimentaire, sécurité des travailleurs, sécurité en matière de transport, sécurité maritime, mais aussi dans les domaines de la protection civile, la sécurité intérieure, la protection des données personnelles, etc.) que plus récemment, avec la mise en place de l'espace de liberté, de sécurité et de justice, dans leurs domaines régaliens ("affaires intérieures") avec une prise en charge de la dimension extérieure de la construction européenne (protection des frontières, sécurité d'approvisionnement, opérations extérieures, gestions de crise, etc.), mais sans jamais pouvoir adopter une posture politique. Dès lors, la crise devient une opportunité pour redéfinir la gouvernance européenne et assurer le passage à la supranationalité autour d'un dénominateur commun qui serait la sécurité économique, un des attributs de toute souveraineté – la sécurité économique incluant la protection et la défense de ses "intérêts essentiels" – ce qui, loin de tout protectionnisme défensif, se conjugue autour de deux axes stratégiques, l'un grâce à un relatif interventionnisme en faveur d'un développement ouvert, équilibré et compétitif (incluant le principe de réciprocité), l'autre autour d'une stratégie d'influence à partir de réseaux interactifs capables d'accéder aux informations utiles, avec cohérence et coordination.
A. Une construction européenne « éloignée » de l'impérieuse nécessité de sa sécurité globale
1. La construction de l'Union européenne s'accomplit à travers les deux traités du TUE (Maastricht, 1992) et du TFUE (Lisbonne, 2007) qui sont l'aboutissement d'une succession de traités et de règlements européens rédigés depuis 1951 (CECA) et 1957 (CEE et CEEA). Ces textes acceptés par tous les États membres ont élargi les compétences de la Commission européenne et consolidé les institutions européennes (Conseil, Parlement et Cour de justice) qui imposent des obligations aux États membres en vue de la construction d'un marché unique intérieur relevant des règles de la libre concurrence. Cette approche englobe différentes politiques appelées à s'adapter aux profondes mutations actuelles, et récemment dans le monde numérique avec le traitement des droits de la propriété intellectuelle appelée à assurer le devenir de « l'économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde, capable d'une croissance économique durable accompagnée d'une amélioration quantitative et qualitative de l'emploi et d'une plus grande cohésion sociale » (Stratégie adoptée lors du Conseil européen de Lisbonne, 23-24 mars 2000).
Entre la finalité intérieure qui a occulté le risque de guerre économique post 1991 et le poids croissant de la contrainte extérieure, le concept de la sécurité économique de l'Union européenne n'avait pas sa place. C'est pourtant la dimension extérieure de « l'information » au cœur de « l'économie de la connaissance » – en tant que nouvelle valeur stratégique et nouveau déterminant de la croissance économique – qui est appelée à modifier la perception traditionnelle de ce que pourrait être la sécurité économique européenne, concept politique tel qu'il existe dans un cadre national : la capacité d'un État souverain à assurer la protection de ressources stratégiques utiles à son économie (selon sa spécialisation) et à sa compétitivité en vue de garantir son développement au profit du bien-être de sa population, et au final de sa puissance.
Les obligations européennes issues des traités s'imposent aux États membres : fragilisent-elles, ou à défaut réduisent-elles leur droit souverain – à l'exception de la défense (art. 346 TFUE) et de la sécurité publique (art. 36 TFUE) –, et quelle est (ou pourrait être) la contrepartie des limitations de souveraineté au niveau européen ?
Par l'exclusion de la défense élargie à la sécurité nationale – suite à l'échec de la Communauté européenne de défense (CED en 1955) –, les traités de Rome ont construit en interne une coopération à la seule finalité économique, avec une place particulière pour l'énergie (le charbon avec la CECA et l'atome avec la CEEA), dont l'aboutissement est l'intégration des économies nationales, mais non une coopération politique européenne (CPE) excluant de prime abord l'édification d'une politique extérieure commune (càd hors des institutions européennes) , notamment dans sa composante relative à la sécurité économique (ce qui inclut l'ensemble des données et informations stratégiques européennes) : effleuré dans le seul domaine de l'approvisionnement énergétique avec la CECA et la CEEA, mais aux limites floues, voire incertaines sous l'angle économique, ce concept n'a aucune consistance politique et est mis à l'épreuve lors de toute phase aiguë d'une crise (type ukrainienne de l'hiver 2013-2014).
Même si cette coopération (CPE) est envisagée dès décembre 1972 (sommet de La Haye) entre les Neuf , l'expérience de ces cinquante dernières années a montré l'impossibilité d'élargir la coopération en matière politique : pis, elle apporte la preuve que toute initiative institutionnelle visant à introduire des éléments de nature politique relevant de la souveraineté nationale – ou pouvant porter atteinte soit aux « intérêts nationaux » essentiels, soit aux principes fondamentaux de l'ordre juridique interne d'un État – est exclue par des États membres, comme le Royaume Uni, les Pays-Bas, le Danemark ou la Hongrie pour deux raisons pouvant être légitimes :
• l'une politique, membres de l'Alliance atlantique (Otan), ces États ont fait le choix de maintenir leurs liens avec les États-Unis plutôt que de s'engager dans une coopération européenne jugée hasardeuse, et en conséquence de maintenir leurs pouvoirs de souveraineté dans le domaine des relations internationales ;
• l'autre juridique, le champ d'application de la procédure de vote à l'unanimité se restreint constamment depuis 1987 (Acte unique européen adopté à Luxembourg le 17 février 1986) au profit du vote à majorité qualifiée (art. 16 TUE et art. 238 TFUE) de sorte que les politiques concernant des domaines « sensibles » (voire relevant de la souveraineté nationale, au point d'atteindre le noyau dur et donc le point de non-retour) sont de moins en moins nombreuses : le transfert de compétences atteint les limites des "conditions essentielles d'exercice de la souveraineté" au risque de provoquer un inévitable conflit des normes .
Hasard et nécessité de la coopération européenne : face à un droit communautaire de plus en plus envahissant, seules les règles de procédure européennes préservent exceptionnellement la souveraineté d'un État membre soit par l'adoption de décision prise à l'unanimité du Conseil, soit par la « jurisprudence » du "compromis de Luxembourg" signé le 30 janvier 1966 , et toujours en vigueur, permettant à un État de recourir à une sorte de veto pour s'opposer à l'adoption de mesures contraires à ses "intérêts nationaux", mais cette dernière procédure n'est-elle pas superfétatoire ?
Exemple de l'espace Schengen : si l'espace et la coopération Schengen (1985) garantissent la sécurité au sein de l'espace défini grâce à une coopération entre les services de police et les autorités judiciaires (mis en place du Système d'information Schengen, SIS) renforcées entre pays signataires – cinq en 1985, vingt-deux États membres de l'Union européenne lors du traité d'Amsterdam en 1997, avec l'Islande, la Norvège, la Suisse et le Liechtenstein –, certains territoires non continentaux (cf. Quatrième partie TFUE : l'association des pays et territoires d'outre-mer) ne font pas partie de l'espace Schengen, ainsi que Chypre. Deux pays bénéficient d'un op-out afin de garder la maîtrise des contrôles à leurs frontières ce qui sous-tend qu'une telle coopération reste hasardeuse et manque d'efficacité en ce domaine, ou n'inspire pas autant confiance que l'action de l'État souverain en matière de sécurité...
2. Le concept équivalent à celui de la sécurité nationale qui se réfère à la nécessité de sauvegarder les "intérêts essentiels" de tout État-nation est relativement récent pour l'Union européenne et a été rappelé dans le traité de Lisbonne (2007) . Nous devons nous interroger sur les raisons de la présence tardive de ce concept, et sur ce qu'il recouvre pour l'UE. Est-il un élément de nature politique aussi déterminant pour un État souverain que la défense contre toute menace :
i) visant un pays ou un ensemble de pays en tant qu'organisation régionale comme l'Union européenne,
ii) pouvant affecter ses (leurs) intérêts, et donc à terme sa (leur) compétitivité, comme le suggère le traité de Lisbonne (art. 346/TFUE, ex 296/TCE) ?
Absent lors des différentes phases d'intégration des économies des États membres de l'Union européenne (1957-2007), ce concept prend désormais toute son importance dans le nouveau contexte de la globalisation, càd avec l'émergence d'une dimension extérieure (la globalisation animée par l'économie numérique – avec comme nouvelle valeur l'information –) concomitante à la perte de compétitivité de l'Union européenne constatée cinq ans après l'énoncé de la stratégie de Lisbonne (mars 2000). En effet, avec la globalisation des économies, c'est la menace hyperconcurrentielle qui frappe aux portes de l'Union européenne, et inévitablement l'influence d'un État ou d'une région reposera sur sa prospérité économique, et sur sa capacité à promouvoir ses "intérêts stratégiques".
Or, la Commission européenne n'a pas voulu livrer bataille dans cette guerre économique qui se traduit par une concurrence asymétrique sur un marché ouvert et par les conséquences du passage à « l'ère numérique » qui bouleverse le monde de l'information, et en conséquences ses acteurs dont la communauté du renseignement, en raison des effets du nouveau paradigme économique autour du cyberespace. Dès lors, la sécurité économique, voire juridique, des différents agents économiques de l'Union européenne peut-elle être toujours autant garantie par les États nations ou doit-elle être hissée à l'échelle européenne en tant que « volet externe » du marché intérieur, et ce pour quatre raisons :
• confronter à la puissance des nouvelles technologies et des réseaux stratégiques sur l'internet (hors de l'espace européen comme à l'intérieur) la question de la sécurité des systèmes d'information (SI) véhiculant des informations confidentielles , sources d'avantages compétitifs , est posée ;
• l'intégration des économies des États membres de l'Union européenne est trop avancée pour ne retenir que la seule approche nationale de la sécurité économique, ce qui oblige l'UE à une réponse commune en tenant compte de la dimension interne (relations entre sociétés européennes) et du volet externe au regard des intérêts essentiels des États membres et de ceux de l'Union européenne. Or, « l'intérêt européen » ne peut être supérieur à tout « intérêt national » que si ses capacités sont au moins équivalentes à celles des États membres en terme d'objectifs sécuritaires pour éviter toute coopération hasardeuse ;
• toute économie basculant vers le cyberespace détermine trois exigences qu'ont adoptées les États-Unis : l'ouverture au public des principales données et informations des grandes administrations, la mise en place d'un réseau sécurisé (au niveau européen) et la définition des « informations stratégiques, ou sensibles » émanant tant du secteur public que privé ;
• enfin, le positionnement international s'accompagne d'une stratégie de développement et de croissance sur les « théâtres d'opérations économiques » extérieurs afin de promouvoir les intérêts stratégiques essentiels de l'Union européenne, et à défaut des États membres.
Dans ce contexte et face au déclin de la compétitivité de l'Union européenne, l'impérieuse nécessité d'un retour à une croissance forte est reconnue. Elle passe par une dynamique industrielle capable de répondre au surcroît de demande extérieure de sorte que les axes d'action pourraient être les suivants :
i) sur un plan pratique :
• l'intégration d'une meilleure sécurité économique globale comparable aux dispositifs des États-Unis, tant sur le plan externe en incluant le principe de réciprocité que sur le plan interne par une meilleure organisation territoriale et une coopération entre États, et lui donner un caractère offensif, et non purement défensif ou protectionniste ;
• la construction d'un système de protection du secret au niveau européen : ceci conduit à s'interroger sur les conditions d'un passage d'un dispositif national (en France l'IGI 1300) à un dispositif européen aux termes de la décision du Conseil n° 2011/292/UE du 31 mars 2011 consécutif à l'Accord entre les États membres de l'Union européenne relatif à la protection des informations classifiées signé à Bruxelles le 4 mai 2011 ;
• la définition de normes, en particulier dans le domaine juridique capable de contrebalancer l'influence des normes américaines , notamment dans les négociations du partenariat transatlantique, afin d'éviter toute distorsion de concurrence ;
• la rationalisation des accords de sécurité entre États membres de l'Union européenne ou avec les organisations régionales, en sensibilisant les acteurs du secteur privé dont certains se sont déjà organisés ;
• le suivi d'une cartographie des risques tant au sein des administrations, et notamment des ministères économiques et financiers et de leurs opérateurs ou dans leurs relations avec les acteurs du secteur marchand que dans le monde de l'entreprise ;
ii) sur un plan stratégique :
• la protection du secret dans « l'intérêt européen » qui doit être élargie à une évaluation du « secret des affaires » pour y être intégré, avec une place particulière pour la PPST, la propriété intellectuelle, la recherche et les brevets ;
• dans une approche plus globale de la sécurité, le souci du recensement des points d'importance vitale (PIV) pour la continuité d'activités dans le contexte d'une crise majeure (gestion de crise) ;
• l'élaboration d'un régime juridique portant sur le secret des affaires ou le secret industriel à un moment où l'ouverture aux données coïncide à un droit à l'information des citoyens (notamment dans le domaine environnemental) ;
• promouvoir l'intelligence économique et maîtriser l'acquisition de l'information stratégique en vue d'anticiper et de se positionner à l'international tout en s'appuyant sur une logistique institutionnelle présente sur tout le territoire national grâce à un État stratège offensif ;
• la construction d'un pôle de puissance tout en mettant en œuvre une stratégie d'influence à partir de réseaux interactifs capables d'accéder aux informations utiles, avec cohérence et coordination, à l'échelle européenne et nationale (réévaluation du principe de subsidiarité).
Ceci peut-il être la base ou l'amorce d'une pensée stratégique s'appuyant sur un régime juridique dans le domaine de la sécurité économique dans un cadre européen ? de la protection de toute information dite « sensible » ? Et de quelle information, stratégique ou « secret des affaires » s'agit-il ? Si le traité de Lisbonne permet à l'Union européenne d'y répondre, sous certains aspects, au travers la mobilisation et le développement « capacitaires » (cf. art. 42.3 TUE en complément de la politique européenne de capacités et d'armement, dite PECA) en termes d'opérationnalité (exemples du SIS, du système Galileo ou du réseau Sentinel en cours de construction), la politique de sécurité européenne qui participe au retour à une meilleure compétitivité doit dépasser celle de chacun des États membres, incluant la protection des données (parallèlement à la protection des données personnelles qui est déjà en cours de réalisation au niveau européen), autour d'une stratégie composée de deux axes et d'un vecteur :
• définir les objectifs européens en termes de sécurité globale, dont la sécurité économique, non pas versus mais en liens étroits avec les « intérêts essentiels » de chaque État national membre de l'UE, incluant une base minimale (dénommée « intérêt invariant ») ;
• dépasser ce qui a été le moteur interne de la construction européenne et réconcilier le droit de la concurrence et « l'intérêt européen » sur un plan stratégique ;
• s'interroger sur la création d'un réseau européen de communications afin de conserver un degré élevé de sécurité et de protection des données, ainsi que de diffuser toute information stratégique en lien avec le retour à la compétitivité de l'économie européenne.
B. Globalisation et défense « des intérêts essentiels des États membres » de l'Union « fondée sur la libre circulation des marchandises, des capitaux et des personnes... » .
1. Alors que l'Union européenne est à la recherche d'une politique de défense dont la PESD n'est qu'un embryon , chaque État membre a pu toujours se prévaloir de la protection des "intérêts essentiels de sa sécurité" (art. 346 TFUE, ex art. 296 TCE) même si des initiatives ont été prises dès le début des années 1990 par la Commission en vue du renforcement de la base industrielle et technologique de la défense (BITD) européenne. Pourtant, la prise de conscience de la Commission européenne de ce déficit sécuritaire a été tardive en raison de son action centrée sur le marché intérieur et la sécurité des consommateurs, occultant la défense « des intérêts essentiels des États membres ». L'avènement de l'économie numérique a modifié cette perception qui est devenue plus aiguë avec la crise financière de 2008 : la sécurité des réseaux et la protection de l'information – et tout particulièrement celles des États, des banques et des entreprises – sont devenues des enjeux stratégiques qui dépassent le concept souverain de défense et de sécurité classique (limitée à l'État-nation faute d'une défense européenne commune).
Jusqu'à présent, la réussite économique de l'Union européenne résulte de sa politique d'intégration en faveur d'un marché unique initiée par le traité de Paris (CECA en 1951), puis les traités de Rome (CEE et CEEA en 1957) et de son élargissement à de nouveaux États et vers de nouvelles compétences reconnues par les traités de Maastricht (1992) et de Lisbonne (2007). Si, à l'époque de la guerre froide (1947-1991), les Communautés européennes doivent leur création au désir des Européens d'assurer collectivement leur sécurité et de contribuer à la reconstruction et à l'expansion économique du continent européen, l'intégration européenne s'est réalisée dans une période de croissance continue (1945-1979) durant laquelle la dimension sécuritaire a été relativisée dans un monde en construction multipolaire (1955-1979), et ce sous la protection de l'Otan, Alliance militaire formée en 1949 .
Avec la chute du prix du pétrole (1986), la fin du monopole des pays de l'OPEP et la chute du Mur de Berlin (1989), cette dimension a perdu de son importance, se limitant tout au plus à un souci de sécurité relative d'approvisionnement énergétique pour « pleinement réussir l'objectif d'une énergie sûre, compétitive et durable » (1955-1978) même si la concentration de la production gazière fait naître une relative vulnérabilité économique et politique (face à la Russie ) et que la concentration régionale des réseaux d'acheminement du gaz participe à cette vulnérabilité (Ukraine et Turquie avec le gazoduc Nabucco), et les tragiques événements de Crimée et de l'Est ukrainien (printemps 2014) permettent de réévaluer la dimension extérieure .
Cette réussite a d'abord reposé sur l'intégration d'activités aussi variées que l'agriculture qui a bénéficié d'une politique commune (avec la PAC mise en place à partir de 1962), les secteurs industriels comme l'aérospatial (Ariane et Airbus) ou l'énergie (nucléaire) étant l'héritage de politiques publiques nationales engendrées par le souci de la sécurité nationale, ainsi que du dynamisme des échanges par la construction du marché unique grâce à une politique commerciale communautaire libérale (abaissement des tarifs douaniers intérieurs à partir de 1958), mais non grâce à la définition d'une véritable politique industrielle, énergétique ou d'innovation décidées à Bruxelles. Puissance commerciale par la dimension interne de cette réussite en raison du poids de ses échanges intracommunautaires [60% des échanges de l'UE qui représente 40% du commerce mondial en incluant l'intracommunautaire (16% hors intracommunautaire) contre 28% pour les États-Unis et la Chine réunis] stimulés par l'institution du marché unique régulé dans le cadre de directives émanant de la Commission européenne alors que le commerce extracommunautaire ne représente que 16% des échanges mondiaux (équivalent aux États-Unis), l'Union européenne s'est donc peu occupée de sa sécurité économique prônant l'ouverture des marchés, la réduction des barrières et la fin des entraves douanières, elle-même engendrant au cours de cette période des gains de compétitivité endogènes et d'économies d'échelle indéniables.
Avec l'explosion de l'internet, la concurrence ne se joue plus sur le marché unique européen, mais s'impose par l'émergence d'éléments extérieurs avec la globalisation des marchés, telles des intrusions de tous types (naturelles ou provoquées) visant les États, les administrations et les agents économiques (ce qui est appelé « la globalisation du crime ») pouvant comporter des risques de rupture ou de crise majeure pour lesquels l'Union européenne semble peu armée et mal organisée (cf. son approche de la gestion de crise). Elle doit en relever le défi faute, actuellement et à l'inverse des États-Unis, de l'existence d'un régime juridique dans le domaine de la protection, de la sécurité économique, de la défense de "ses intérêts essentiels", l'ensemble participant au renforcement de la compétitivité économique.
2. Il faut attendre Lisbonne (2000) et la prise de conscience des pertes de compétitivité de l'Union européenne (2005) pour que l'information "scientifique et technique" devienne un objet d'intérêt et qu'une PPST soit mise en place. Mais entre le caractère défensif d'une PPST, l'ambition de rivaliser avec la suprématie scientifique et technologique des États-Unis et la volonté d'anticiper sur les dynamiques technologiques de nouveaux pays (Chine, Inde,..), l'Union européenne ne peut se contenter de bâtir une solide base industrielle et technique (BIT) : elle doit aussi adopter une politique d'intelligence économique offensive , de sécurité économique et de protection par rapport aux risques qu'elle encourt. Cette démarche volontariste doit être perçue comme une anticipation pour se défendre, non seulement sur un plan classique, mais aussi face aux prédateurs financiers, et pour soutenir la conquête de nouveaux marchés .
Un éclairage du faible positionnement de l'Union européenne dans le domaine de la sécurité économique peut être approché par comparaison avec les politiques mises en œuvre par les États-Unis dès la fin des années 1970 avec la dynamique de « la guerres des étoiles » du président Reagan (1981-1989) qui trouve son origine dans l'impulsion donnée par le département de la Défense (DoD) et les partenariats établis entre les laboratoires universitaires, les organismes publics et le secteur privé qui transforment « l'information » en une nouvelle source de puissance bien comprise par la CIA. De même, avec la fin de la guerre froide, le président Clinton (1993-2001) a su donner la priorité aux questions de sécurité économique en lien avec la compétitivité américaine en vue de la conquête de marchés internationaux et par le contrôle des exportations .
Face à la mutation des États-Unis vers la compétitive knowledge (recherche de l'information stratégique concurrentielle, ou Intelligence économique stratégique, IES) grâce aux imposants services de renseignements développés durant la guerre froide, puis mis au service de la compétitivité et des entreprises américaines , les États européens ont affaibli leur compétitivité : or, les entreprises restent le cœur du développement économique. Mais à l'inverse de la politique d'ouverture des marchés prônée par la Commission européenne, les États-Unis ont adopté deux principes :
• l'accès à l'information publique, avec ses limites liées au secret défense ;
• le marketing du push and pull : les services de l'État reçoivent la mission d'aider les entreprises sur tout marché, dimension stratégique favorable aux entreprises américaines en concurrence avec des sociétés étrangères ou à l'exportation grâce aux moyens publics (juridiques, financiers, dénonciation de pratiques irrégulières, etc.) et à un dispositif législatif efficace mis en place à partir de septembre 1994 .
A ces aspects, les révélations sur la surveillance des télécommunications dans le monde par les services d'écoutes américains (le réseau Echelon, la NSA, etc.) et le transit des données ou de toute information transmises via l'internet par les États-Unis obligent l'Union européenne à devoir apporter une réponse rapide, et la Commission européenne a reprendre l'initiative car certains responsables politiques d'États membres s'en sont émus (la chancelière Merkel notamment ).
Ces initiatives peuvent venir des États membres qui ont accès à une meilleure intelligence des marchés extérieurs, et qui par rapport aux pays émergents dont il faut limiter l'influence sur un plan industriel, et même managérial. Les années qui ont suivi le drame du 11 septembre, puis les conflits en Irak et plus généralement au Moyen-Orient, sont révélatrices des méthodes et moyens mis en œuvre dans la "guerre économique" qui se déroule avec la globalisation des échanges et qui apparaît également comme une opportunité offensive pour l'Occident, dont les pays européens. Les sanctions liées aux embargo ne sont que la partie émergée de cette guerre , pas uniquement pour la maîtrise des voies de communications ou des zones de production d'hydrocarbures, mais également d'accès à de nouveaux marchés (Irak, Iran, continent africain, etc.).
Or, dans ce contexte de concurrence déloyale (unfair competition), c'est un cadre juridique européen qui reste à créer : comment pourrait s'organiser la protection de la sécurité économique dans l'UE prise non comme une contrainte (sous l'angle du protectionnisme) mais comme un atout (renforcement de la compétitivité) à l'image des États-Unis :
• centrée sur trois axes d'action : sécurité, défense de la PPST et protection du « secret des affaires » ;
- sécurité, c'est-à-dire d'élever au niveau européen le concept de sécurité nationale tel qu'il est pratiqué par les grands États nationaux (France, Royaume Uni, Allemagne, etc.), notamment autour de la défense et d'activités ou d'informations stratégiques (cf. définition des DNS et OIV avec leur PIV et PPP visant à anticiper les risques de rupture d'activité) pour tendre vers ce qui existe aux États-Unis (cf. Buy American Act de 1933, réactualisé ; la Commission Paley en 1952 ; et le Cohen Act ou Economic Espionage Act de 1996), mais cela n'exclurait pas les niveaux de sécurité nationaux qui veillent à la souveraineté de chacun des pays ;
- la défense de la PPST qui consiste à protéger les actifs du pays, tant matériels qu'immatériels, et tels qu'ils existent ou appelés à le devenir grâce à la R&D , tant dans les entreprises ou les cabinets de propriété intellectuelle (CPI) que dans les programmes de recherche, notamment sous forme de consortium européen ;
- enfin, le « secret des affaires » est à considérer comme pouvant être un équivalent avec la protection du secret défense et de la sécurité nationale dans le cadre des priorités stratégiques nationales tant que, à l'instar du Cohen Act des États-Unis, aucune législation n'accorde au « confidentiel industriel » autant de valeur qu'au « confidentiel défense » ;
• mise en œuvre d'un réseau européen d'intelligence économique opérationnelle avec quatre enjeux :
- la sécurité informatique et la protection des secrets industriels et commerciaux, ainsi que les travaux dans la recherche, des entreprises européennes ;
- l'ouverture des données ou informations publiques ou privées, notamment celles personnelles des citoyens européens, en soustrayant ce qui relève du secret défense ;
- la gestion des risques dans la conquête des marchés extérieurs en associant les cabinets d'assurance-crédit ;
- la coordination des politiques du renseignement nationales, en soulignant la difficulté dans le domaine économique d'établir des mécanismes d'échanges d'informations entre deux pays ou deux gouvernements ;
• autour de deux problématiques :
- respect des souverainetés nationales en vue de la défense de leurs « intérêts nationaux », ou passage à un dispositif global de protection de la sécurité économique de l'Union européenne menacée dans ses « intérêts essentiels », voire par des risques de rupture de ses activités, avec la mise en place d'un régime juridique dans le domaine de la protection des informations et du « secret des affaires » ?
Cela suppose l'application systématique du principe de subsidiarité lorsque le cadre européen est déficient, et non la recherche d'une base industrielle et technologique de défense (BITD) commune (càd ambitionnée par la Commission européenne) aux pays de l'UE qui la limite à une base minimale inacceptable pour les « grands » pays comme la France, le Royaume Uni, l'Allemagne ou la Suède.
- passage à une supranationalité clairement établie avec l'Union européenne avec un élargissement des transferts de pouvoirs et de souveraineté ?
C'est ce passage qui est le plus difficile actuellement tant que « l'intérêt (supranational) européen » n'est pas clairement défini, et ne peut se limiter à la seule somme arithmétique des « intérêts nationaux » : il doit inclure un « intérêt invariant » qui reste à définir (notamment en termes d'intelligence et de partage du renseignement) .
Dans ce passage, l'exercice d'une gestion déléguée aux États nationaux n'est pas à exclure et participe au rapprochement entre institutions européennes et administration locale.
Or, actuellement l'UE est loin d'une telle supranationalité (cf. les exemples des États-Unis ou de la Confédération helvétique), car l'UE n'a ni défini de valeurs communes en ce domaine [cf. les événements internationaux (Mali, Syrie, Ukraine, etc.) de 2013 et 2014 ; ou le Sommet européen de décembre 2013], ni installé des organes exécutifs supérieurs à ceux des États nationaux, c'est à dire s'imposant aux pouvoirs exécutifs nationaux.
L'approche "managériale" réalisée dans le cadre de la PESD, décrite dans le traité de Maastricht (1992) malgré le renforcement de ses moyens avec le traité de Lisbonne (2009), définit bien une sorte de coordinateur, voire des intérêts collectifs (avec la création de l'AED) par ailleurs limités , mais cette coordination montre que l'Union européenne n'a pas encore d'outil ad hoc suffisamment "fédérateur" et de moyens militaires ou civils (tels des réseaux sécurisés) dédiés à la sécurité européenne prise dans sa globalité .
Là encore, si l'harmonisation européenne est souhaitable dans les exigences de protection des informations stratégiques de sécurité et de souveraineté nationale, la Commission européenne ne peut se substituer aux États membres, et une initiative franco-allemande en ce domaine serait une première étape : chaque État a déjà en place un arsenal législatif et pénal efficace qu'il reste à harmoniser tant dans son contenu que dans sa forme.
En effet, jusqu'ici l'Union européenne s'est assurée de préserver les États dans la voie d'abandons partiels de souveraineté pour édifier une politique commune des prix en interne (agriculture), de tarifs communs à l'extérieur, d'indépendance énergétique (énergie nucléaire civile ) de sorte que les Traités de Rome ont su donner mandat à la Commission pour négocier limitativement trois catégories d'accords internationaux :
• les accords tarifaires et commerciaux (art. 113),
• les accords d'association sur la base de l'art. 238 modifié par l'Acte unique de 1986,
• les accords avec les organisations internationales, même régionales sur la base des art. 229, 230 et 231.
En revanche, en matière de supranationalité deux exemples illustrent les difficultés à surmonter certaines compétences des États nationaux, et pose la question du passage au fédéralisme :
• l'espace de Schengen (1990-1997) montre les limites de cette démarche (art. 2.2 autorisant le rétablissement du contrôle des personnes) et l'importance des souverainetés nationales (cf. attitude du Danemark ou du Royaume Uni);
• l'euro et la crise financière de 2008 montrent les limites de l'exercice avec la BCE comparée au rôle de la FED.
L'accord sur l'union bancaire (décembre 2013) est un premier pas vers la supranationalité en donnant à la BCE le rôle de superviseur, mais incomplet tant que les règles budgétaires entre États membres n'auront pas été unifiées.
• la discipline budgétaire se renforce, mais peut-être dans la crainte de s'imposer trop prématurément dans une « légitimité illégitime » (en référence au droit constitutionnel), la Commission de Bruxelles reste prudente, tout en réaffirmant les règles adoptées et les risques de sanction (26 octobre 2014).
C. Le concept de souveraineté entre l'impératif communautaire de la libre concurrence et un régime juridique de sécurisation des intérêts essentiels en vue d'une stratégie de retour à la compétitivité
1. Si la mise en place d'un marché unique, sorte de zone de libre-échange renforcée, pouvait paraître utile aux intérêts économiques des pays membres en terme de croissance, la période 2005-2014 en montre les limites – en termes de sécurité économique des États membres – dans le domaine de l'innovation, de l'emploi (et par voie de conséquences de la précarité sociale ou le chômage) : c'est la compétitivité européenne qui devient l'enjeu, la Commission reconnaissant à la fois les pertes de compétitivité et l'importance de l'ouverture et du partage des données publiques.
Mais de quel marché unique s'agit-il ? L'action interprétative de la Commission européenne, épaulée par la CJUE, s'est immiscée, depuis plus d'une dizaine d'années, par une lente action trahissant sa volonté d'élargir encore davantage aux « domaines réservés » le marché unique : en définissant strictement ce que peut être le secteur de la défense et de la sécurité au regard du marché intérieur (2009) dans les marchés publics "à caractère sensible" dudit secteur (avec la question des BDU), la Commission se heurte aux « intérêts essentiels » et à l'existence d'« informations stratégiques » des États membres, variables d'un État à un autre.
Ambiguïté de la réussite de l'Union européenne, réussite qui est d'abord interne bien que, avec le recul, la dimension extérieure ait joué un rôle initial dans la protection de la sécurité économique européenne sans aller jusqu'au bout de la démarche, par exemples :
• l'énergie atomique (CEEA, 1957) a été choisie pour assurer à l'Union européenne une indépendance énergétique, mais trop tôt avec un prix du baril faible, et trop tard avec la contestation verte des énergies nouvelles ;
• l'UE négocie des accords de coopération avec des partenaires privilégiés, mais sa participation à des négociations internationales n'a pas toujours été d'une seule voix ce qui l'affaiblit par rapport aux États-Unis et à la Chine, voire la Russie ;
• l'euro est un attribut de la souveraineté nationale que le Royaume Uni, le Danemark et la Suède n'ont pas voulu abandonner ;
• l'euro est un outil de stabilité pour une zone de libre-échange, et un outil protecteur contre les risques de change et de spéculation, voire de concurrence de taux d'intérêts (hors spreads) ;
• l'euro, atout ou handicap par rapport au dollar qui n'est pas soumis à la même rigueur de politique monétaire : l'usage de l'euro reste limité en tant que monnaie de réserve (30% des réserves mondiales), dans l'émission internationale de titres de créances publics ou privés (33%), ou outil de facturation dans le commerce international ;
• l'accord sur l'Union bancaire (création d'un mécanisme de gestion des faillites bancaires) entre les 28 États et le Parlement européen (mars 2014) est un succès intergouvernemental de nature fédérale pour mettre fin à la fragmentation du système financier, mais reste imparfaite à horizon 2025 ;
• l'ouverture et le partage des données et informations publiques (open data) sont acquis (directives de 2003, de 2007 et de 2013), sans retenir l'existence d'éléments stratégiques ou essentiels à la sécurité de la Nation ;
• l'espace de Schengen (1985) cité ci-dessus ne recouvre pas l'ensemble des pays de l'Union européenne, ou en accepte d'autres (Suisse) ;
• la PESD est limitée à la gestion de crise et au maintien de la paix, mais sa politique extérieure n'est pas commune (exemples de l'Irak, Libye, Mali, Syrie,..), et son financement incertain (Centrafrique).
Dans cette succession de décisions et d'interrogations, le défi politique se situe désormais dans la mise en place d'une souveraineté européenne dont on perçoit les prémices et les résistances :
• l'exemple de la construction de l'Union économique et monétaire (d'abord avec l'ECU, puis l'euro, 1979-1995) et la crise financière de 2008 ont montré les limites de la souveraineté nationale, et les exigences d'une supranationalité ;
• le poids démographique, économique et commercial, culturel de l'Union européenne, l'importance de l'euro et les enjeux actuels autorisent l'Union européenne à envisager le transfert vers une souveraineté supranationale pour dépasser la simple intégration fonctionnelle ;
• les « intérêts essentiels » d'un État membre diffèrent de ceux d'États membres plus petits qui n'ont pas le même niveau technologique (et chercheront à capter par une politique commune prônée par la Commission une part du « gâteau ») de sorte que les décisions concernant les « intérêts essentiels » de l'Union européenne se heurtent à la nature du vote (unanimité ou à la majorité des États) ce qui devient un obstacle car :
pouvons-nous ou devons-nous imaginer, comme semble le faire la Commission européenne, que chaque pays membre de l'UE partage librement leurs savoir-faire technologique, même au nom de la solidarité européenne ?
et quid des informations stratégiques ?
quid du « secret des affaires » entre sociétés concurrentes appelées à travailler sur un même projet ou dans un consortium de recherche dans l'espace européen dominé par le droit de la concurrence ? comment concilier transparence, secret des affaires et droit de la concurrence ?
Une précision dans ce débat : que ce soit dans le domaine de la défense (arme nucléaire) ou celui des programmes spatiaux (Ariane), la France ou le Royaume Uni seraient-ils parvenus aux mêmes résultats dans le cadre européen que la latitude offerte à l'époque par le cadre national ? De sorte que :
Que doit inclure l'impérieuse nécessité d'une sécurité économique « au titre de la fonction stratégique de protection », face aux risques du terrorisme, les cyber attaques, etc. : la notion de la sécurité économique englobe-t-elle aussi la nécessaire continuité économique en période de crise, et notamment la protection de secteurs et d'informations stratégiques ou des « infrastructures critiques » ?
La protection au niveau européen des données et informations « sensibles » (technologies, savoir-faire, PPST, etc.) à l'ère numérique ne peut s'organiser qu'avec les entreprises, l'inverse ne pouvant qu'entraîner des incohérences ou dysfonctionnements préjudiciables à la recherche, et un décrochage compétitif. Comme aux États-Unis, il s'agit au niveau européen de créer une intelligence économique stratégique européenne (IESE) et de mettre en œuvre une stratégie d'influence qui reste à construire tant aux échelles nationales qu'à l'échelle européenne grâce à des réseaux interactifs d'informations.
2. Dans le monde de l'après-guerre, la construction européenne a œuvré à la libéralisation des marchés des États membres en vue de construire un marché unique intérieur sous une influence « néo-libérale » sans tenir compte de la dimension extérieure.
La crise financière de 2008 a montré les limites de cette politique "en l'absence de souveraineté européenne", et certains États membres, comme le Royaume Uni, réclament des ajustements : dans quelle mesure les États peuvent exercer leur droit de réglementer hors des compétences de la Commission européenne, notamment en matière de sécurité économique ? et contracter entre eux dans le cadre d'accords de sécurité ou de l'organisation OCCAr (quelle est son avenir à côté de l'AED, ou faut-il privilégier la première au détriment de la seconde dans l'ordre de la sauvegarde des intérêts nationaux ?), etc. ?
Les conventions internationales ont pour caractéristique commune de reconnaître le droit des nations souveraines de prendre des mesures, nonobstant les obligations qu'elles ont contractées dans le cadre d'une convention donnée, afin de protéger les intérêts essentiels de leur sécurité. Il n'y a pas de définition internationalement reconnue de la « notion d'intérêts essentiels de la sécurité » ; des articles d'exception de caractère général prévoient aussi des mesures destinées à préserver ou maintenir « l'ordre public » et/ou « la paix et la sécurité internationales », sans que l'interprétation plus étroite des « intérêts essentiels de la sécurité » ou des « intérêts de la sécurité nationale » en tant qu'intérêts concernant la défense et la sûreté de l'État soit retenue.
Même si l'Union européenne s'exprime d'une seule voix lors des assemblées générales des Nations unies, défend des valeurs universelles (défense des droits de l'homme) et cherche à maintenir la paix, et même si, après le traité d'Amsterdam, l'Union européenne a défini des stratégies communes et nommé des représentants spéciaux dans des zones de conflit et cherche à disposer d'une capacité de gestion de crises, il n'existe pas de politique étrangère de l'Union européenne capable de défendre les « intérêts essentiels » de l'Union européenne qui ne peuvent pas correspondre au seul résultat de la somme arithmétique des intérêts essentiels des États membres. Au mieux, comment définir les éléments essentiels de la dimension externe de la construction européenne, même au plus petit dénominateur (« l'intérêt invariant »), qui prendrait en compte l'ensemble des « intérêts essentiels européens de sécurité » ?
Or, la période actuelle révèle l'impasse dans laquelle se trouve la construction européenne, la faiblesse de la Commission européenne en matière de gestion de crise et son échec dans la défense de la compétitivité européenne. Des domaines relevant de la souveraineté nationale ont été effleurés au cours de ces quinze dernières années avec le succès de l'euro et de la réforme bancaire, et la mise en place de l'espace Schengen avec une coopération étroite dans le domaine de la sécurité intérieure et de la justice. Un troisième domaine, celui de l'intelligence économique stratégique (IES), est à construire avec la définition d'un "secret des affaires" ou "secret industriel" englobant la PPST, et plus globalement les "intérêts essentiels" de l'UE, en vue de sécuriser les avantages concurrentiels, facteur de succès, des États membres autour de :
• l'établissement d'un cadre approprié de l'outil opérationnel européen et des instruments nécessaires à une stratégie d'influence (avec une évaluation continue des besoins de sécurisation, comparée à d'autres pays concurrents tels les États-Unis, la Chine, l'Inde, la Russie, etc.) ;
• le renforcement de l'intelligence économique (IE) sur le plan européen offrant à la Commission de nouveaux pouvoirs souverains déléguée sans pour autant devenir un État souverain ce que l'Union ne peut être en l'état (une sorte de gestion déléguée à l'envers, les États nationaux restant l'autorité de gestion déléguée en matière d'intelligence économique).
Les principaux États membres de l'UE possède déjà un arsenal législatif et pénal efficace, et l'Union européenne peut envisager, avec les autorités nationales de sécurité, certains rapprochements dans la construction d'un régime juridique de protection des « intérêts essentiels » (dispositif de contrôle) participant à la définition d'une stratégie d'indépendance offensive et compétitive au service des entreprises, mais ce ne sera qu'une évolution partielle du principe de souveraineté :
• suivi supranational du commerce des BDU avec une protection des acteurs,
• responsabilisation accrue des entreprises, avec un accompagnement des États ou de la Commission (IESE),
• définition d'un « secret des affaires » d'un niveau comparable dans l'Union européenne à la protection du secret de la défens,
• clarification des « intérêts essentiels » de l'UE tout en développant une réflexion sur les aspects sécuritaires sans empilement ou incohérences, voire contradictions entre des textes européens ou nationaux.
Deux démarches en cours illustrant l'influence de la dimension extérieure sur les éléments constitutifs de souveraineté :
• la protection des données à caractère personnel n'est plus un enjeu pour l'Union européenne (cf. la directive européenne du 24 octobre 1995 sur la protection des données définissant la "donnée personnelle" comme "toute information concernant une personne physique identifiée ou identifiable"), mais la stratégie de Lisbonne qui vise à renforcer un marché unique numérique et lutter contre la perte de compétitivité constatée au cours de ces dernières années concomitantes aux révélation du programme Prism de surveillance de l'agence américaine NSA est appelée à modifier le cadre législatif en ces domaines : instauration d'un groupe de travail réunissant (2007-2014) l'ensemble des CNIL européennes en vue de la rédaction d'un nouveau règlement (fédérateur ?) pour la protection des données personnelles, sous la responsabilité de Viviane Reding, vice-présidente de la Commission européenne en charge de la justice et des affaires intérieures (JAI) ;
• la proposition de la Commission européenne (novembre 2013) sur « la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulgués (secrets d'affaires) » : c'est un exemple de rapprochement pour une définition commune du « secret d'affaires », complétée par le détail des mesures et procédures à respecter en cas d'illégalité et par l'établissement de dommages résultant de la rupture de confidentialité. Mais si le texte évoque la "sécurité juridique" ou les "intérêts des parties en litige", "l"intérêt légitime à les garder confidentiels" n'est cité qu'une seule fois, et les "intérêts essentiels" ne sont pas définis ; et si le terme de "compétitivité" apparaît dix fois sur les vingt-huit pages de la communication, "l'avantage compétitif" n'est cité qu'une seule fois.
Mais le (faible) parallélisme avec le dispositif de la protection du secret défense en France s'arrête à ces aspects sans aucune anticipation des risques : pourtant il est généralement trop tard pour une entreprise quand le « secret d'affaires » a été percé, avec des effets négatifs sur sa rentabilité.
Par la multiplication de divulgations illicites (sorte de nouvelle compromission), c'est toute la compétitivité d'un pays qui est en cause, c'est aussi celle de l'Union européenne.
Face à l'émergence de la dimension extérieure en termes de sécurité économique, la formation d'un régime juridique de protection ne revient-il pas à en trouver le barycentre entre, d'une part, les droits et obligations nés des directives européennes (sous l'influence du droit de la concurrence), et d'autre part les « intérêts essentiels » de chaque État membre dont la somme cumulée n'est pas forcément égale aux « intérêts essentiels » de l'Union européenne ?
Ce serait une première étape parallèlement à l'établissement d'un cadre approprié de l'outil opérationnel européen et des instruments nécessaires à une stratégie d'influence avec une évaluation continue des besoins de sécurisation, comparée à d'autres pays concurrents (États-Unis, pays émergents, etc.) au regard des « intérêts essentiels » de chaque État membre (renforcement de l'intelligence économique), en lien avec ceux de l'Union européenne, dans une seconde étape offrant à la Commission de nouveaux pouvoirs souverains déléguée sans pour autant devenir un État souverain ce que l'Union ne peut être en l'état (une sorte de gestion déléguée à l'envers, les États nationaux restant l'autorité de gestion déléguée).
Conclusion
Au cours de la longue période de la construction européenne (1950-1990), la sécurité économique était une "contrainte" extérieure éloignée des préoccupations de la Commission européenne, au même titre que la défense relevée d'une préoccupation assurée par les États nationaux grâce à leur adhésion à l'Alliance atlantique dans un contexte de guerre froide.
Si, au cours de cette période, la libre concurrence l'a emporté sur la défense des "intérêts essentiels ou stratégiques" de l'Union européenne, la chute du Mur de Berlin et la fin de la guerre froide ont achevé cette foi de la Commission, encouragée par une volonté de construire une Union politique , en un libre-échangisme juridique s'imposant aux États membres qui a occulté les conséquences directes de la globalisation des économies et le passage à l'ère du numérique ce qui explique le douloureux réveil de 2005 dans un contexte de guerre économique globale.
La Commission peut légitimement s'inquiéter de la montée de l'euroscepticisme (les votes dits populistes, semble trouver actuellement un équilibre autour de 20% à 30% dans les électorats européens – mais ils varient en fonction du taux d'abstention, alors que leur nombre de voix ne dépasse pas 10 à 15 % des inscrits –), mais elle ne doit se tromper dans son analyse et ignorer ses responsabilités, et in fine ses limites dans la construction politique de l'Europe qui est dans l'impasse faute de pouvoir accepter par les États membres de nouveaux abandons de souveraineté.
En conséquence inverse, à l'élargissement inconsidéré de l'Union européenne qui dilue le projet politique au profit d'une gestion administrative de la Commission européenne (les eurocrates) mal perçue par les citoyens doivent se substituer des axes de coopération renforcée intégrant deux méthodes de travail : le principe de subsidiarité et la gestion déléguée. Par ces moyens, le renforcement de la sécurité économique est un atout majeur pour le retour à la compétitivité, et présente une dynamique pouvant motiver les États membres, et séduire leur population dans une Europe définie comme proactive, au service de la création de nouvelles croissances.
C'est en effet aux États membres de reprendre l'initiative et d'organiser un régime juridique de protection (comparable aux États-Unis) qui peut placer le barycentre sécuritaire entre, d'une part, les droits et obligations nés des directives européennes (sous l'influence du droit de la concurrence), et d'autre part les "intérêts essentiels" de chaque État membre dont la somme cumulée n'est pas forcément égale aux "intérêts essentiels" de l'Union européenne. Avec la globalisation des économies et le passage au numérique, la guerre économique mobilise les Etats membres qui sont les seuls à pouvoir définir ces intérêts et à promouvoir le principe de réciprocité. Ce serait le troisième pilier favorisant le passage à la supranationalité (premier pilier : l'euro et la réforme bancaire ; deuxième pilier : la coopération Schengen dans le domaine de la sécurité intérieure et de la justice).
Notes, observations et références historiques
En raison de son devoir de réserve, l'auteur écrit sous un pseudonyme.
Le populisme est indéfinissable, et se présente souvent comme des opportunismes type poujadisme (1953-1958) qui s'apparentent à une critique, parfois corporatiste, des « élites », à une opposition à l'État et à l'administration, au refus de l'impôt (cf. pamphlet sur les révoltes fiscales) ou de tout changement qui remet en cause des positions établies, et en l'occurrence à la critique de l'Europe, au refus de l'euro, etc.
Il peut être entretenu par la confusion avec des revendications sociales : services publics, protections sociales, fiscalité, etc. Et selon l'histoire et la composition des États, cet opportunisme peut être également un mélange confus entre un retour à une « pureté » nationale, mais aussi à une défense culturelle (ethnique, linguistique, ou religieuse, etc.) et opposée à toute immigration subie sur le continent européen.
Toutefois, les analyses et les médias se limitent à présenter les seuls résultats en pourcentage élevés des extrêmes sans les corréler étroitement avec les taux d'abstention. Ainsi, en France le taux élevé du Front national aux législatives de 2012 (13,5%) avec un taux d'abstention élevé (42,8%) cache le fait que son nombre de voix était moitié moindre que celles obtenues par son candidat aux présidentielles précédentes (3,573 M de voix contre 6,421 M) alors que le taux d'abstention n'était que de 20,5%. La corrélation est confirmée aux élections européennes de 2014 qui ferait le Front national « le premier parti de France » avec 24 sièges emportés au Parlement européen sur 74 à pourvoir, mais le nombre de voix (4,712 M) reste inférieur d'un tiers à celui des présidentielles de 2012 avec un taux d'abstention record de 57,6%.
... décrits par la Commission européenne comme étant « une preuve supplémentaire de la puissance de la perspective européenne » in Communication du 16 octobre 2013 [COM (2013) 700 final, Stratégie d'élargissement et principaux défis, 2013-2014].
La procédure d'adhésion est toujours en cours. Il ne s'agit pas de rejeter la Turquie, mais dans une perspective d'une intégration supranationale, l'accord d'union douanière signé en 1995 entre la Turquie et l'Union européenne a été une étape, celui d'un partenariat privilégié ne pouvant qu'être l'étape finale et non l'intégration.
Lancé en 2009 par l'Union européenne (UE) le partenariat oriental pour l'Arménie, l'Ukraine, la Géorgie, la Moldavie, l'Azerbaïdjan et la Biélorussie vise à « finir la transformation du continent européen », selon le Tchèque Stefan Füle, commissaire à l'Élargissement : la politique de l'élargissement serait le plus important outil de transformation dont dispose l'UE. Pour Martin Schulz, président du Parlement européen, cette politique conforte la Commission, mais souffre de l'absence d'ambition politique. Au-delà de la prise en compte de la taille critique, la Commission n'a pas retenu les leçons des votes de 2005.
Dominique Reynié, professeur à Sciences Po, directeur général de la Fondation pour l'innovation politique, dans son livre « Populismes : la pente fatale », Plon, 2011 : au fur et à mesure que se déploie la globalisation, les Européens deviennent-ils de plus en plus sensibles aux folles sirènes de la xénophobie ?
Avec une mauvaise analyse de la « crise » qui est moins une crise de type surproduction/spéculation comme en 1929, ou 1992 au Japon qu'une crise type « destruction créatrice » (ou relevant du « Prozess der "schöpferischen Zerstörung" ») avec la promesse de progrès et de croissance ("Fortschritt und Wachstum") futurs grâce aux entrepreneurs innovants ("durch innovative Unternehmer"), selon la thèse de Joseph Schumpeter, Die Theorie der wirtschafhatlichen Entwicklung, parue en 1911).
Il appartient aux responsables nationaux s'exprimant dans les partis du Parlement européen face à la Commission européenne de prendre leurs responsabilités afin d'éviter toute rupture et de confirmer la pertinence et la finalité du projet européen en revenant aux objectifs du projet originel de 1951 de manière pragmatique. Le mauvais fonctionnement de l'Union est un ressenti qui ne peut être nié, et la priorité à la dimension interne avec la construction d'un marché unique montre ses limites : point de non-retour en passe d'être atteint, le passage obligé à la supranationalité doit remettre l'Union européenne au service des États et de leur population en faisant la part de ce qui doit être coordonné, et de ce qui relève des États (principe de subsidiarité revalorisé ou inversé).
Bernard Esambert, La guerre économique mondiale, Paris, Éditions Olivier Orban, 1991.
La sécurité nationale intègre la sécurité économique dans une optique d'autonomie stratégique, déjà perçue dans le projet Ariane (conçu en 1973), en tant que lanceur indépendant européen de Cap Canaveral : c'est le sens de toute politique industrielle aujourd'hui absente au niveau européen.
Le traité de Rome a pour ambition de créer « une vaste zone de politique économique commune, constituant une puissante unité de production, et permettant une expansion continue, une stabilité accrue, un relèvement accéléré du niveau de vie, et le développement de relations harmonieuses entre les États qu'il réunit ».
José Manuel Barroso, in Politique internationale, avril 2011 : « ... nous avons besoin de consolider les infrastructures énergétiques en Europe et de créer un véritable marché européen de l'énergie, vital pour la sécurité économique de nos concitoyens et de nos entreprises. La fragmentation et l'insuffisance des connexions entre les pays de l'Union ne font que nous affaiblir et ne permettent pas de bâtir une vraie politique énergétique commune ».
Cf. les rapports successifs, à commencer celui de Davignon (1970) qui incite à dépasser la souveraineté nationale en matière de politique étrangère et de défense et qui est à l'origine de la coopération politique européenne (CPE), puis celui de Leo Tindemans sur l'union européenne (1975) qui lie la sécurité à la définition d'une politique de défense commune et pose que la construction du marché unique n'est pas une fin en soi mais une étape vers l'unification (avec une monnaie unique et une agence européenne de l'armement), suivis du rapport de Londres (1981) et celui du Comité Dooge (1985). Ces rapports ont été rédigés sous l'influence de la guerre froide (qui s'achève en 1989-1991 avec la chute du Mure de Berlin et de l'Union soviétique) : il faut attendre l'Acte unique européen (1987) pour que les parties soient « disposées à coordonner d'avantage leur position sur les aspects politiques et économiques de la sécurité » (art. 30.6a), et institutionnaliser la CPE.
... à défaut, la doctrine envisage la possibilité de retrait de l'Union européenne.
Le traité de Lisbonne (2007) inscrit dans le TFUE (art. 50, al. 1) le droit de tout État membre de se retirer de l'Union, et autorise les parlements nationaux à exercer un contrôle préalable du respect du principe de subsidiarité à l'égard de toute proposition d'acte juridique obligatoire (art. 48 TFUE).
Mettant fin à la crise entre la France du général de Gaulle et les cinq pays membres (l'Europe des Six) présents à la Commission européenne (juin 1965/janvier 1966), ce compromis, simple déclaration des ministres des affaires étrangères qui ne modifie pas les traités, prévoit : « Lorsque, dans les cas de décisions susceptibles d'être prises à la majorité sur proposition de la Commission, des intérêts très importants d'un ou plusieurs partenaires sont en jeu, les membres du Conseil s'efforceront, dans un délai raisonnable, d'arriver à des solutions qui pourront être adoptées par tous les membres du Conseil, dans le respect de leurs intérêts mutuels et de ceux de la Communauté ».
L'épisode danois (juillet-octobre 2011) est un précédent qui mérite d'être étudié pour évaluer si les mesures prises par les autorités danoises peuvent être considérées comme conformes au droit européen (cf. aussi l'art. 77 TFUE) dont la nature reste indécise suite aux possibles contestations et dont la singularisation par rapport aux normes internationales mérite d'être identifiée en raison de divergences comparables à celle de 2011 alors que l'Union européenne étend ses compétences.
Sous cet angle, deux domaines illustrent ces divergences : celui de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) instituée par le traité de Maastricht (1992), et curieusement élargie par le traité de Lisbonne (2007) malgré la question constitutionnelle de souveraineté rappelée par les votes négatifs des referendum de 2005, et celui relatif aux questions budgétaires apparues en 2014 avec la France ou le Royaume Uni.
Dans ce traité, il est prévu l'élaboration par le Conseil européen des objectifs et intérêts stratégiques de l'Union prévue à l'art. 22 TUE dans la mesure où, conformément aux dispositions de l'art. 24 TUE, la compétence de l'Union en matière de PESC couvrirait l'ensemble des questions relatives à la sécurité de l'Union européenne.
... qui ne peuvent se limiter aux seules « informations commerciales » à ne pas divulguer, comme peut le laisser croire la Communication de la Commission européenne du 28 novembre 2013 [COM(2013)813 final].
Cf. le dossier NSA et le réseau Prism (2013).
... ce qui n'est pas encore le cas, d'où la nécessité de l'établissement d'un cadre approprié pour construire un tel outil opérationnel européen à des fins communes de sécurité nationale et de sécurité européenne. Durant cette période de mise à niveau de l'outil corrélé à son propre système de sécurité adopté par les institutions européennes, « l'intérêt national » l'emporte évidemment par nécessité.
Cf. l'entretien accordé par Frédéric Lacave, haut fonctionnaire de la défense et de la sécurité adjoint des ministères économiques et financiers, sous le titre « TOE, Théâtre d'Opérations économiques » paru in Communications & Influences, n° 29, janvier 2012.
Dans le domaine de la défense et de la sécurité nationale, parallèlement au projet européen de directive sur le « secret des affaires » (cf. projet de directive du 28 novembre 2013 présentée par la Commission européenne soumise au Conseil et au Parlement européen) alors que ces domaines sont de plus en plus imbriqués. A lire en lien avec les travaux du groupe de travail lancé par le gouvernement français sur le « secret des affaires » qui a abouti à l'initiative du président de la Commission des lois, Jean-Jacques Urvoas, au dépôt, le 16 juillet 2014, d'une propositions de loi n° 2139 relative à la protection du « secret des affaires et aux atteintes de tout capital stratégique » (yc marques, brevets ou secrets de fabrication). Deux particularités dans ce dernier projet qui vont au-delà des projets du député Bernard Carayon (2012) : ce sera aux entreprises elles-mêmes de définir les périmètre de l'information à protéger, et cette protection sera assurée quelle que soit la loi française ou étrangère choisie contractuellement entre les parties.
Cf. la note précédente : nonobstant la rédaction du futur article 151 du Code de commerce, la proposition de loi déposée en juillet 2014 permettra certainement de réévaluer l'utilisation de l'art. 145 du Code de procédure civile dans un contentieux par une des parties « s'il existe un motif légitime de conserver ou établir avant tout procès la preuve de faits dont pourraient prétendre la solution d'un litige » ce qui peut conduire à donner à une entreprise des informations stratégiques sur son concurrent.
Mais elle crée inévitablement des conflits de droits et une situation difficile pour les entreprises françaises soumises à la procédure américaine pretrial discovery (Rule 26 Federal Rules of Civil Procedure) pouvant exiger la divulgation d'éléments de preuves (ou susceptibles de faciliter l'établissement de preuves) en contradiction avec les nouvelles exigences du « secret des affaires » de la future loi.
Notamment dans les domaines à contenu culturel ou les activités numériques globalisées qui montent en puissance depuis 1998 (création de Google,...).
Une première cartographie est élaborée à partir des inventaires annuels tels conçus par l'IGI 1300 sur la protection du secret de la défense et de la sécurité nationale. Elle reste toutefois insuffisante faute d'une meilleure information de la part des directions ou services ministériels (le gap culturel en intelligence économique).
Certains domaines qui relèvent de la Commission ont conduit à l'amorce d'une protection. Cf. Décision de la Commission du 29 novembre 2001 relative aux dispositions prises par la Commission en matière de sécurité dans « des domaines qui requièrent un certain degré de confidentialité ».
Définie par Alain Juillet, ancien Haut responsable à l'Intelligence économique (2004-2009) comme étant « la maîtrise et la protection de l'information stratégique pertinente pour tout acteur économique ».
Avec ses limites comme le montrent les conflits précédents (Bosnie) ou les derniers conflits en Libye (2011), au Mali (2013 ou en Centrafrique (2014), au Moyen Orient, etc.
Sur ce sujet, cf. le livre d'Yves Laulan, La Triche, JC Lattès, Paris, 1981, 336 pages. L'auteur montre comment l'Europe s'est lancée dans une course à la croissance en laissant les États-Unis assumer leur défense. Il relativise par ailleurs la crise pétrolière de 1974-79 qui a moins révélé une situation de réelle pénurie qu'un usage dispendieux du pétrole.
La part de la production mondiale de pétrole des 14 pays producteurs membres de l'OPEP est passée de 53% en 1973, à 38% en 2010 et 35% en 2014 (e).
En juillet 2008 l'Iran, le Qatar et la Russie constituent la troïka du gaz avec 56% des réserves mondiales de gaz.
La Russie assure env. 29% de la consommation de gaz de l'UE ; et le gaz représente un quart du bilan énergétique de l'UE (soit une dépendance de 7,25% du bilan énergétique européen).
Les crises de 2005-2006 (première crise gazière russo-ukrainienne, avec la question du relèvement unilatéral des prix du gaz par la Russie), de 2008-2009 (suivi de l'accord passé avec Gazprom et Naftogaz en janvier 2009), puis de 2014 avec l'Ukraine qui achemine 80% du gaz en transit entre la Russie et l'UE rappellent la fragilité de tout équilibre.
L'évolution du marché du gaz naturel est intimement lié au cours du baril de pétrole et à la structure du marché pétrolier beaucoup plus souple que celui du gaz : côté producteur, toute baisse entraîne une chasse aux consommateurs ; toute baisse faisant passer le prix du baril en dessous des 100 US$ met à mal les pays exportateurs à forte population dont les recettes budgétaires dépendent des exportations (Venezuela, Nigeria, Iran, Algérie, etc.) ; et en dessous de 80-85 US$ les pays de mono exportation (Russie).
Cf. l'article paru dans The Economist en date du 25 octobre 2014.
Comme aux États-Unis, et selon l'exemple récent de la NSA, il s'agit de recenser et d'optimiser l'ensemble des sources, ressources et formes d'information issues de l'observation, du renseignement et de l'anticipation à des fins communes de sécurité nationale et de sécurité européenne (concept qui reste à définir à partir de l'expérience et du professionnalisme des États, et non imposé par la Commission européenne), en lien étroit avec les stratégies de sécurité extérieure et de sécurité intérieure adoptées sur le plan national et transféré aux institutions européennes.
Le retard dans la promotion de l'intelligence économique stratégique (IES) est non seulement européen, mais aussi parmi les États membres dont la France malgré la multiplication des initiatives à partir des années 1990 : retard dans la coordination (avec le SGDSN, puis avec la DIIE), et dans l'animation par des acteurs opérationnels (l'ADIT créé en 1993 ou la CEIS créée en 1997), élargis à l'APE rattachée à Bercy.
Cf. le National Economic Council (NEC) créé en janvier 1993 par le président Bill Clinton ; et Ronald Brown, secrétaire au commerce (1993-1996) qui insiste sur les liens entre la sécurité nationale et le développement économique ("because national security is inextricably tied to economic security in the US and elsewhere", 14 janvier 1994) tandis que Kenneth I. Juster, sous-secrétaire au commerce (2001-2005), en charge des exportations (Industry and Security), supervise la nouvelle orientation de l'administration qui délaisse le soutien à la globalisation des échanges au profit de la protection de la sécurité économique des Etats-Unis grâce aux contrôles commerciaux « stratégiques » (importations, investissements étrangers) en lien avec la sécurité américaine (application des sanctions, accords de contrôle des armements, etc.).
Cf. le National Security Act signé par Harry S. Truman en 1947 qui réorganise les services de renseignement américains.
Créé en 1999 sous le nom de Peleus, InQtel (abréviation de In pour intelligence, Q souvenir du personnage inventif de Fleming (James Bond) et Tel pour télécommunication) est un fonds américain de capital investissement en lien avec la CIA : sa mission est de repérer des entreprises innovantes utiles pour la communauté américaine de renseignement et de prendre des participations dans des start ups ou des entreprises de technologies de pointe liées à la collecte, l'analyse et le traitement de l'information.
Cf. le site du fonds ou la presse spécialisée, dont l'article paru en 2013 The U.S. intelligence community has a history of investing in startups. These partially government-backed companies are looking for new customers.
Cf. le concept de « agile intelligence » inventé par la directrice adjointe Science et technologie de la CIA, in Building an agile intelligence community to fight terrorism and emerging threats, Hearing before the Committee on Governmental Affairs, United States Senate, One Hundred Eighth Congress, second session, September 8, 2004, Volumes 74-79
En France, ces limites sont doublées de la condition du « besoin d'en connaître ».
Cf. l'Advocacy Center créé en 1993.
Cf. le Statement of Administrative Action qui complète le Trade Act (section 301) de 1974 et l'Omnibus Trade and Competitiveness Act (super 301) de 1988.
La manière d'agir des États-Unis (notamment dans le rôle de sociétés écrans) en Irak, ou en Iran est éclairante sur les méthodes relevant de la concurrence déloyale, et justifiées par « le prix du sang ».
Cf. déclaration de février 2014.
Cf. le rôle du ministère de la Justice américain dans les affaires récentes (2013-2014) concernant les violations d'embargo décrété aux États-Unis selon une liste de pays, et l'incidence sur des personnes physiques ou morales et sur des activités à l'extérieur d'un territoire où règne un ordre juridique(extraterritorialité). Les Etats-Unis interprètent de manière extensive le principe d'une compétence normative extraterritoriale pour des raisons liées à la sécurité d'un Etat.
Malgré les négociations en cours autour du traité transatlantique, les motifs de confrontation entre principaux blocs économiques (États-Unis, Chine, etc.) sont multiples sur des dossiers stratégiques aussi variés que l'automobile, l'aérospatial, l'agro-alimentaire, la culture, les services financiers, etc. Les dossiers comme Executive Life, Vivendi ou plus récemment comme HSBC, Crédit suisse (évasion fiscale grâce au Foreign Account Tax Compliance Act) ou BNP-Paribas (autour du triptyque embargo/sanctions/compensation en dollar), etc. illustrent les enjeux de puissance et de concurrence en terme de propriété intellectuelle, de fiscalité, d'extraterritorialité ou même de sanctions économiques comme outils d'une guerre économique qui vise à prendre des avantages concurrentiels, des prises de contrôle d'actifs et de licences, d'imposer des standards ou des normes dans les nouveaux domaines technologiques, de sécuriser les sources d'approvisionnement et les communications, etc.
En ce sens la protection de l'OEB se situe en deçà de ce qui existe en France avec l'INPI, capable de « mettre au secret » des brevets utiles à la défense. A ne pas négliger avec l'interprétation des biens à double usage (BDU) trop limitée depuis la définition d'une liste.
La proposition de directive sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulgués (ou secrets d'affaires) de novembre 2013 [COM(2013) 813 final] est un premier pas, car il faut souligner que le dispositif de la protection du secret de la défense ne peut convenir aux secteurs industriels pour les entreprises non habilitées défense.
Définition du concept de souveraineté par le juriste Bodin en 1576 : « Pouvoir suprême reconnu à l'État qui implique exclusivement de sa compétence sur le territoire national et son indépendance absolue dans l'ordre international où il n'est limité que par ses propres engagements ».
A noter que le budget de la communauté de renseignement aux États-Unis est de l'ordre de 50 à 55 Mds US$ (2014), dont une partie (supplémentaire) relève du département de la défense (évaluée à 14 Mds US$), soit un budget inférieur à 1% du PIB américain.
Cf. le rôle de l'OCCAr.
Comme le démontre les crises les plus récentes (Libye, Syrie, Mali, Centrafrique, etc.), en dehors peut-être de la sécurité maritime qui est plutôt une réussite.
Cf. le rapport Spaak (21 avril 1956).
« Veiller à l'approvisionnement régulier et équitable de tous les utilisateurs de la Communauté en minerais et combustibles nucléaires » (art. 2 du Traité de la CEEA).
Cf. le traité de Lisbonne en sa Partie V - L'action extérieure de l'Union, dont son Titre 5 - Accords internationaux et son Titre 6 - Relations de l'Union avec les organisations internationales.
Directive 2009/81/CE sur les marchés publics à caractère sensible dans les domaines de la défense et de la sécurité. Cf. également la Communication interprétative du 7 décembre 2006 sur l'application de l'article 296 du traité (devenu l'article 346 TFUE) dans le domaine des marchés publics de la défense : elle propose des lignes directrices afin d'aider les États membres à décider si le recours à une exemption est justifié par des « intérêts de sécurité essentiels ». Elle renforcerait la sécurité juridique et limite les risques d'abus sans pour autant prendre en compte les questions de souveraineté, et donc des conflits avec le droit constitutionnel (cf. supra note 17).
Toute intervention de l'administration – nationale ou européenne – dans les technologies « émergentes » peut se révéler illusoire comme l'ont montré certains exemples récents : les plus emblématiques étant le sort de la société Bull en France, le projet européen Unidata ou, hors d'Europe, les secteurs stratégiques au Brésil dans les années 1980', etc.
Message conjoint de François Mitterrand et d'Helmut Kohl (Paris, 18 avril 1990) au président du Conseil européen afin de « transformer l'ensemble des relations entre les États membres en une Union européenne et de doter celle-ci des moyens d'action nécessaires » et de « lancer les travaux préparatoires à une conférence intergouvernementale sur l'Union politique » complémentaires des travaux en cours préparant la conférence intergouvernementale sur l'Union économique et monétaire.
- 3605 Lectures