Manuel Valls, Premier ministre, a reçu mercredi 9 septembre le rapport de Jean-Denis Combrexelle, "La négociation collective, le travail et l’emploi".
Pour élaborer ce rapport, Jean-Denis Combrexelle s’est appuyé sur un groupe de travail composé d’experts et de praticiens, d’économistes et de juristes, français et étrangers. En outre, une trentaine d’auditions ont été organisées, en particulier avec les partenaires sociaux.
Très attendu car préalable à un projet de loi majeur devant réformer le code du travail, le rapport Combrexelle, avançant des pistes de réforme du droit du travail, a été remis ce 9 septembre à Manuel Valls. Menu de son contenu.
Si les contributions se sont multipliées ces derniers temps pour livrer la vision de leurs auteurs sur ce que devrait être une bonne réforme du droit du travail, le rapport de Denis Combrexelle, rendu ce matin à Manuel Valls, était particulièrement attendu. C'est lui qui doit jeter les bases du futur projet de loi qui devrait voir le jour dans un délai "rapide", sans doute d'ici fin 2015, maximum début 2016, selon le rapporteur. Le rapport contient précisément 44 propositions, dont nous faisons ici la synthèse.
1. Refondre le code du travail... à moyen terme
Plutôt que de réduire de manière drastique le code du travail, avec le risque de donner trop de poids à la jurisprudence, laquelle finirait en plus par "restaurer" les règles abrogées, plutôt également que de séparer totalement ce qui relèverait de la loi d'un côté, et de la négociation collective de l'autre, l'idée du rapport est de revoir carrément l'architecture du code. Celui-ci comprendrait désormais trois parties : un premier pan concernant les principes fondamentaux du droit du travail, un deuxième portant sur les champs ouverts à la négociation (avec un minimum d'encadrement législatif), et enfin, un troisième pan qui présenterait des dispositions supplétives, s'appliquant en l'absence d'accord collectif.
Ce chantier de restructuration complète du code ne pouvant se mener en quelques mois, le rapport préconise de se donner un délai de quatre ans maximum. Le ministère du Travail devrait "constituer rapidement des équipes d'experts de haut niveau en capacité de faire le premier travail technique et la concertation nécessaire avec les partenaires sociaux".
2. A court terme, relancer la dynamique de la négociation
La négociation collective peut être redynamisée, sans attendre la refonte du code du travail. Dès 2016, il s'agirait d'ouvrir de nouveaux espaces de négociation sur les quatre piliers qui intéressent majoritairement les salariés, à savoir l'emploi, le temps de travail, les salaires et les conditions de travail. Le rapport fait de ces quatre piliers un acronyme : les ACTES (et il parle, du coup, des accords ACTES pour désigner ceux qui seraient pris dans l'un de ces champs). Un travail serait à mener pour définir, au sein de ces ACTES, ce qui relèverait de l'ordre public ou de la négociation. Le Smic, par exemple, relèverait sans aucun doute de l'ordre public. Mais pas le déclenchement de la rémunération "heures supp", la question pourrait donc être négociée (à noter que sur ce point, Manuel Valls a d'ores et déjà marqué son opposition).
Le rapport propose aussi, à titre d'expérimentation, de donner la possibilité aux partenaires de certains secteurs bien définis de négocier sur des champs encore mal couverts par le droit du travail (RSE et économie digitale notamment).
3. Revisiter la hiérarchie des normes dans le cadre des accords ACTES
Le code du travail fixerait seulement les grands principes. Pour limiter l'inflation législative, un agenda social annuel serait institué, qui réduirait le nombre de lois révisant le code. Chaque nouveau texte introduit devrait donner lieu en parallèle à l'abrogation d'une autre disposition devenue obsolète.
Les branches auraient la mission de définir l'ordre public conventionnel (s'appliquant à l'ensemble des entreprises de leur secteur et qui serait opposable, sous réserve du principe de faveur, aux accords d'entreprise). Elles proposeraient aussi des accords d'entreprise types aux TPE, dans l'impossibilité d'élaborer elles-mêmes de tels accords. Pour remplir efficacement leurs missions, les branches devraient être restructurées. Cela passerait par le rattachement, dans un délai de trois ans, de toutes celles représentant moins de 5000 salariés, à une convention collective d'accueil. Ainsi serait enfin atteint l'objectif de 100 branches.
L'accord d'entreprise serait la norme prioritaire, à condition, d'une part qu'il respecte les grands principes fixés par le code du travail et les branches. Et d'autre part qu'il s'agisse d'un accord majoritaire. Cela reviendrait à la généralisation du principe de l'accord majoritaire qui est déjà obligatoirement de mise dans le cadre des PSE ou encore des accords de maintien dans l'emploi. A défaut d'accord d'entreprise, ce sont les dispositions supplétives prévues dans l'accord de branche qui s'appliqueraient, ou, en l'absence d'accord de branche, celles du code du travail. A noter : les accords de groupe seraient, avec des garde-fous, assimilés à des accords d'entreprise.
L'articulation entre l'accord collectif majoritaire et le contrat de travail : un accord qui préserverait directement l'emploi des salariés primerait sur le contrat de travail. Le salarié qui refuserait ce changement pourrait bénéficier d'un licenciement économique, associé toutefois à un régime indemnitaire moins attractif que celui prévalant habituellement dans ce cadre.
4. Moderniser les accords
Mise en place systématique d'accords de méthode
Les accords collectifs devraient désormais tous être accompagnés d'accord de méthode, comprenant le calendrier de la négociation, les documents et données économiques et sociales permettant de bien comprendre le contexte de la négociation, les conditions de suivi de la mise en oeuvre de l'accord, les modalités amiables de résolution des litiges qui résulteraient de l'accord, etc. Pour ne pas installer une insécurité juridique, il n'y aurait pas, dans un premier temps du moins, de nullité de l'accord en cas d'absence d'accord de méthode. La contestation de l'accord de méthode ne pourrait par ailleurs s'effectuer que dans un délai très restreint.
Adapter la durée des accords pour s'adapter au temps "rapide" de l'entreprise. Aujourd'hui, les accords sont à durée indéterminée. Le code du travail prévoirait que les accords soient conclus pour une durée maximale de quatre ans, sauf mention explicite de l'accord. Il ne serait pas possible de contourner cette contrainte par une clause de tacite reconduction.
Il faudrait également revoir les règles de révision des accords, qui depuis la loi du 2008 sur la représentativité syndicale, peuvent rendre la révision des accords difficile, justement. Cela ne peut plus se faire que si les organisations ayant signé l'accord représentent encore 30 % des suffrages exprimés lors des dernières élections professionnelles.
Rendre l'accord plus lisible et plus sécurisé. Dans l'accord collectif ou dans l'accord de méthode devraient être définis les moyens mis en place pour faire en sorte que les salariés soient mis au parfum de ce qui a été signé.
Dans un objectif de sécurité juridique, le dépôt des accords de branche à la direction générale du travail, ou bien la déclaration de l'accord d'entreprise à la Direccte, ferait courir un délai de 2 mois seulement, pendant lequel il serait possible de contester devant le TGI la validité de l'accord. "Au-delà, l'invalidité d'une clause ne pourrait être invoquée que par la voie de l'exception d'illégalité, à l'occasion d'un litige particulier, et sur des questions de fond du droit uniquement (et pas de forme ou de procédure).
5. Développer le professionnalisme des négociateurs
Le rapport insiste sur la nécessité d'attirer les jeunes dans les syndicats et de les former. Il propose la "mise en place de formations communes syndicats/entreprises sur la base d'un cahier des charges établi par l'Etat, éventuellement prises en charge sur le fonds de financement du paritarisme pour les employeurs". Ces formations auraient un contenu juridique, mais aussi social et économique. Elles aborderaient en plus la pratique de la négociation. Elle ne viendraient pas remplacer les formations délivrées par ailleurs par les syndicats.
Source : L'Express L'Entreprise
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