Entretien

Dans une note réalisée pour l’Observatoire de l’immigration et de la démographie, l’entrepreneur a calculé les économies réalisables en matière d’immigration, alors que celle-ci coûte 75 milliards d’euros aux finances publiques chaque année.

Le Figaro Vox - 7 février 2025 - Par Eugénie Boilait

LE FIGARO. - Dans votre note, vous estimez le coût brut de l’immigration, régulière comme irrégulière, à 75 milliards d’euros pour les finances publiques. D’où viennent ces coûts ?

Pierre DANON. - Le coût brut total de l’immigration s’élève à 75 milliards d’euros par an. Cependant, une partie est compensée par les cotisations sociales et les impôts payés par les étrangers. Le coût net après ces contributions est de 41 milliards d’euros. En se concentrant sur les étrangers qui ne sont pas en situation d’emploi, ce coût net atteint 34,4 milliards d’euros, répartis en plusieurs postes de dépense.

L’État français dépense d’abord 12 milliards pour la santé. L’essentiel de cette dépense concerne des étrangers en situation régulière. Pour les étrangers en situation irrégulière, le coût est estimé à 1,5 milliard d’euros, dont la majeure partie provient de l’aide médicale d’État (AME). Il faut ensuite y ajouter 7 milliards pour les prestations de solidarité. Il s’agit des prestations sociales habituelles en France, accessibles aux étrangers en situation régulière : allocations familiales, aides au logement, RSA, ainsi que l’allocation pour demandeurs d’asile.

Il faut compter 6 milliards d’euros pour les éléments de sécurité et de justice et les coûts de fonctionnement généraux des administrations concourant à la politique d’immigration et 5,6 milliards pour l’accueil et la prise en charge. Cela comprend principalement les dépenses d’enseignement (primaire, secondaire et supérieur), ainsi que les coûts liés à l’accompagnement des mineurs non accompagnés. 3 milliards d’euros sont finalement dépensés pour l’hébergement et l’aide au logement. Ce montant correspond principalement aux dépenses de logement social dans les quartiers de la politique de la ville, ainsi qu’à l’hébergement des demandeurs d’asile.

L’essentiel de ce coût net provient donc des étrangers qui ne sont pas en emploi. Cela souligne la nécessité d’orienter nos politiques d’accueil vers des étrangers en capacité et en volonté de travailler et de s’intégrer, plutôt que d’accepter sans distinction tous ceux qui se présentent.

Ces dépenses peuvent-elles se faire, à terme, au détriment de notre modèle social ? Ce dernier est-il en danger ?

Il faut rapprocher ces 34,4 milliards d’euros du déficit total des finances publiques, qui s’élève à 170 milliards. Or, peu d’options de réduction des coûts ont été présentées par le gouvernement, et certains postes, comme la défense, ne peuvent être sacrifiés. Par conséquent, pour absorber ces 34,4 milliards, des économies devront forcément être faites sur le modèle social. C’est la question que je pose. Les Danois y ont déjà répondu : plutôt que de rogner sur leur modèle social, ils ont choisi de maîtriser l’immigration.

"À noter que cette politique a été menée par une première ministre sociale-démocrate,
ce qui prouve que cette question dépasse les clivages partisans"

Pierre Danon

Ce changement de politique a été un succès au Danemark, avec une réduction spectaculaire de l’immigration non maîtrisée et un large consensus au sein de la population. À noter que cette politique a été menée par une première ministre sociale-démocrate, ce qui prouve que cette question dépasse les clivages partisans. Et l’exemple danois a depuis été suivi par la Suède, qui a également durci sa politique migratoire, avec des résultats positifs, et plus récemment, par l’Italie, sous la présidence de Giorgia Meloni, où l’on observe une réduction significative de l’immigration irrégulière non maîtrisée, compensée par une accélération de l’immigration de travail, mieux encadrée et plus cohérente avec les besoins économiques du pays.

Au terme de cinq années de mesures, le potentiel d’économies brutes est, d’après vous, de 6,9 milliards d’euros. Concrètement, comment la France peut-elle faire de telles économies ? Quelles sont les pistes à privilégier ?

L’estimation de 6,9 milliards d’économies sur cinq ans repose sur des hypothèses prudentes. L’objectif est d’aligner la France sur les conditions offertes aux immigrés dans d’autres pays européens, afin de ne plus être le mieux-disant social. Les mesures sont connues : elles figurent dans la loi immigration dont une partie a été retoquée par le Conseil constitutionnel, pour des raisons de forme, essentiellement. Parmi elles, on trouve la piste d’un meilleur contrôle du regroupement familial par exemple, que l’on conditionnerait à la réussite d’un test de français, à une durée minimale de résidence de vingt-quatre mois avant la demande et à la disposition de ressources au moins équivalentes au salaire médian en France.

Il serait également opportun d’instaurer une conditionnalité des prestations de solidarité, de mener une politique d’hébergement plus stricte ou encore de recentrer l’aide médicale d’État (AME), en ligne avec les recommandations du rapport de Patrick Stefanini. Il s’agirait à la fois de restreindre les critères d’éligibilité et de recadrer le panier de soins. Tous les soins relevant de l’urgence et des politiques de santé publique devraient être maintenus, tandis que les autres devraient être exclus du dispositif.

On pourrait enfin penser à un droit d’asile mieux contrôlé, sujet de nombreuses propositions visant à limiter les abus. Cela inclurait un renforcement des contrôles aux frontières mais aussi le rétablissement du délit de séjour irrégulier. Ce dernier enverrait un signal clair : un immigré entré de manière irrégulière en France ne pourra pas être régularisé. L’objectif est d’inciter les demandeurs d’asile à effectuer leur demande en dehors du territoire français, afin qu’elle soit traitée avant leur arrivée, qu’elle soit acceptée ou refusée.

"70 % des Français se déclarent favorables aux politiques que je viens d’évoquer.
Ce sont des mesures qui ne pénalisent pas les Français, bien au contraire"

Pierre Danon

Il est à noter que l’estimation brute des économies réalisables en appliquant l’ensemble de ces mesures est évaluée à 10 milliards d’euros par an. Cependant, ces économies ne seront pleinement atteintes qu’au bout de cinq ans d’application de ces réformes. Par ailleurs, nous avons également pris en compte un certain nombre de dépenses supplémentaires, à hauteur de 3 milliards d’euros, pour permettre à l’État de mieux contrôler l’immigration (renforcement des contrôles aux frontières, amélioration du dispositif des centres de rétention administrative, etc.). Cela aboutit à une estimation nette des économies possibles de 6,9 milliards d’euros par an, une fois ces nouvelles dépenses intégrées.

Nombre des mesures que vous préconisez proviennent de la loi immigration, votée en décembre 2023, qui a été partiellement censurée par le Conseil constitutionnel quelques semaines plus tard. Idem pour d’autres points récemment révoqués. Les Français sont-ils prêts à consentir à ces mesures ?

70 % des Français se déclarent favorables aux politiques que je viens d’évoquer. Ce sont des mesures qui ne pénalisent pas les Français, bien au contraire. Leur acceptabilité me semble donc totale, surtout en comparaison avec d’autres mesures d’économies qui exigeraient de réels sacrifices. D’autant que ces politiques ont déjà été mises en place dans de nombreux pays européens, prouvant qu’elles sont non seulement réalisables, mais aussi efficaces. La situation de nos finances publiques est tellement catastrophique qu’il est impératif de faire des choix.