Tribune
Il y a quelques jours, la chambre d'appel de Mayotte revenait sur la décision du tribunal judiciaire de Mamoudzou qui avait suspendu, le 24 avril, des opérations d'évacuation et de démolition.
Valeurs actuelles - 24 mai 2023 - Par Philippe Fontana
La motivation, cruelle, des juges d’appel démontre bien que, dans cette affaire, la présidente du tribunal de Mamoudzou a privilégié son combat politique au droit, estime l'avocat Philippe Fontana*.
Peut-on vraiment croire que certains magistrats privilégient leurs idées politiques au détriment de leur serment exigeant un comportement loyal et à leur nécessaire impartialité ? À Mayotte, sans aucun doute. En décembre 2002, le préfet avait arrêté l’évacuation et la démolition de construction bâties de manière illicite. Cette politique d’expulsion des occupants sans droit ni titre est régulièrement contestée devant les juridictions par les associations critiquant habituellement la politique du gouvernement, notamment le Gisti et la Ligue des droits de l’Homme. Sans beaucoup de succès juridique.
Au moment même du déclenchement en avril dernier de l’opération « Wuambushu » pour lutter contre l’immigration irrégulière et la délinquance, la présidente du tribunal de Mamoudzou a rendu une décision le 24 avril suspendant ces expulsions. L’irruption du juge judiciaire a tout de suite été perçue par l’opinion publique comme un désaveu de l’action du ministre de l’Intérieur. En effet, selon l’article 66 de la Constitution, l’autorité judiciaire est gardienne de la liberté individuelle. Et pour tout citoyen, une décision judiciaire a une portée qui dépasse celle administrative.
Une polémique a vite éclaté sur la politisation des juges, particulièrement celle de cette présidente de tribunal. Il se trouve, qu’étonnement, Catherine Vannier, le magistrat ayant rendu cette décision est une ancienne vice-présidente du syndicat de la magistrature (SM). Cette organisation, militant constamment contre une politique de fermeté en matière d’immigration, avait adressé un mail à ses adhérents les prévenant que « l’autorité judiciaire ne sera pas la caution de violations des droits humains » en cette matière, notamment à Mayotte.
Pour des motifs purement politiques, ce magistrat s’est immiscé dans une matière administrative, en dehors donc de sa compétence.
La mise en cause de l’impartialité de la présidente du tribunal judiciaire en raison de ses engagements militants au sein du Syndicat de la magistrature avait alors provoqué un certain émoi. Un procès d’intention, pour ceux qui ne croient pas en la politisation de la magistrature. Par un rare communiqué, le CSM avait pris sa défense au nom de « la liberté syndicale », taclant sans le nommer le président du groupe LR au Sénat, contempteur habituel du SM.
Or, dans cette affaire, la présidente du tribunal judiciaire de Mamoudzou a scrupuleusement suivi ses consignes syndicales, au risque de tordre le droit et de violer le principe de séparation entre les autorités administratives et judiciaires. C’est ce que n’a pas manqué de lui rappeler la cour d’appel. Pour des motifs purement politiques, ce magistrat s’est immiscé dans une matière administrative, en dehors donc de sa compétence. Se fondant sur une prétendue « voie de fait », commise par le préfet, dont la particulière gravité est le seul fondement à une intervention du juge judiciaire.
Circonstance aggravante, la présidente du tribunal a enfreint le respect du principe du contradictoire entre les parties.
L’arrêt rendu par la chambre d’appel de Mamoudzou ce 17 mai démontre à postériori le caractère politique de la décision rendue en première instance. La vacuité de son raisonnement juridique est sévèrement étrillée par la cour d’appel. Circonstance aggravante, la présidente du Tribunal de Mamoudzou agissant comme juge des référés (celui de l’urgence et de l’évidence) n’a pas hésité à méconnaître son office, en faisant fi des principes essentiels du procès. Plus particulièrement, elle a enfreint le respect du principe du contradictoire entre les parties, dont il est pourtant le garant.
Les 260 pièces versées à l’appui de la requête n’avaient pas été communiquées à la préfecture, qui les a découvertes le matin même de l’audience. A la demande de renvoi, ne serait-ce que quelques heures, la présidente du Tribunal n’a a accordé au représentant du préfet que trente petites minutes. Par ailleurs, la décision se fondait sur un rapport d’expertise rendu par des architectes qui ne s’étaient jamais rendu sur place.
Et pour cause le siège du cabinet du premier est à Rennes et l’autre à Montreuil. Tout comme la défense des demandeurs elle aussi interroge, puisque la plupart des avocats
sont métropolitains, sans lien avec Mayotte. La motivation, cruelle, des juges d’appel démontre bien que, dans cette affaire, la présidente du Tribunal de Mamoudzou a privilégié son combat politique au droit. La politisation de certains juges n’est pas un fantasme, mais une triste réalité.
* Philippe Fontana est avocat au barreau de Paris
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