Marché du Travail
Le think-tank "Ambition France" propose de subventionner l'embauche des chômeurs. En versant aux entreprises qui les recrutent la moitié des allocations Unedic encore dues. Une idée séduisante mais pas encore aboutie.
Stephane Bechaux - Liaisons Sociales Magazine - 22 avril 2015
Initialement baptisé France Défis, le think-tank Ambition France cherche à se faire une place dans la galaxie des organismes qui font vivre le débat public.
"Il s'agit d'un mouvement citoyen, composé exclusivement de bénévoles, favorable à la réforme et à la réduction de la sphère publique. Mais on n'est pas clivant", assure son fondateur, Eric Gérard. Gérant associé chez Optigestion, celui-ci cite, en gage d'ouverture d'esprit, des dirigeants de tous bords : François Fillon (UMP), Gérard Collomb et Emmanuel Macron (PS), Jean-Christophe Fromantin (UDI)...
Revendiquant 3500 "followers", l'association, créée en 2008, s'active pour promouvoir sa proposition phare, "l'allocation chômage contributive à l'emploi" (ACE). Elle a ainsi pris langue avec le Medef et la CFDT, rencontre des responsables politiques et s'est offert les services d'une agence de relations presse. Le principe de cette ACE ? Permettre à un chômeur d'apporter la moitié de son indemnité Unedic restant à courir à toute TPE/PME qui l'embaucherait en CDI. "Il s'agit d'activer les dépenses de l'Unedic. Plutôt que de rétablir la dégressivité des allocations ou de réduire la durée d'indemnisation", plaide Eric Gérard.
Gare aux effets d'aubaine
Afin d'asseoir la crédibilité de sa proposition, le think-tank en détaille le fonctionnement. Histoire d'éviter les effets d'aubaine, l'allocation ne serait pas versée en une seule fois, au moment du recrutement, mais sur plusieurs mois. Et l'employeur devrait la rembourser en cas de licenciement du salarié pendant la période d'indemnisation. Applicable aux seules TPE et PME, la mesure serait d'abord testée sur un bassin d'emplois pour en évaluer l'efficacité.
Ambition France va même plus loin. L'organisation assure que son dispositif "diminue le coût du chômage pour la collectivité de près de 30%, voire plus". Et qu'il "favorise le réemploi des salariés sans qualification". Deux affirmations qui, si elles s'avéraient exactes, justifieraient leur mise en œuvre immédiate, par avenant à l'actuelle convention Unedic...
Hypothèses dépassées
Sauf que le think-tank ne démontre en rien leur véracité. Ses calculs financiers se fondent sur des hypothèses peu solides. Et dépassées, puisque les projections, déjà anciennes, ne tiennent compte ni de la mise en place des droits rechargeables ni du nouveau différé d'indemnisation. En la matière, seuls les services de l'Unedic, qui n'ont pas été sollicités, seraient en capacité de mesurer le coût, bénéfique ou non, d'un tel dispositif. Essentiel, alors que les dettes du régime d'assurance-chômage explosent.
Ambition France, qui se targue d'inspirer à la fois Xavier Bertrand, l'ancien ministre UMP du Travail, et François Kalfon, l'actuel secrétaire national du PS à l'emploi et à la formation professionnelle, n'étaie pas davantage sa seconde assertion. Plutôt que de favoriser le retour à l'emploi des publics les plus éloignés du marché du travail, la proposition pourrait, au contraire, donner un coup de pouce à ceux qui en sont le plus proches.
Entre deux candidats, l'employeur aurait en effet tout intérêt à favoriser celui qui bénéficie du meilleur capital indemnisation. Soit parce qu'il a encore peu consommé ses droits, soit parce qu'il bénéficie d'un salaire de référence élevé. Des caractéristiques qui désignent davantage l'allocataire diplômé et fraîchement licencié que le chômeur sans qualification en fin de droits.
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